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France: La vie de Marwa, 16 mois, suspendue à une décision du Conseil d’Etat

Dans cette affaire hors normes, les parents de la petite fille s’opposent à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, qui souhaite l’arrêt des soins de leur enfant, considérant qu’il s’agit d’une « obstination déraisonnable».

Nadia Chahed  | 07.03.2017 - Mıse À Jour : 07.03.2017
France: La vie de Marwa, 16 mois, suspendue à une décision du Conseil d’Etat

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AA/Paris/Souhir Bousbih

L’avenir de Marwa Bouchenafa, bébé lourdement handicapé de 16 mois, est entre les mains du Conseil d’Etat depuis le 2 mars. Dans cette affaire hors normes, les parents de la petite fille s’opposent à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, qui souhaite l’arrêt des soins de leur enfant, considérant qu’il s’agit d’une « obstination déraisonnable». Les parents revendiquent, eux, le « droit de vivre » de leur fille.

Un bras de fer judiciaire qui dure depuis quatre mois

Pour comprendre comment en est-on arrivé là, il faut remonter au mois de septembre 2016. Marwa est admise aux urgences de Nice le 25, avec une fièvre de 41°. Elle est alors transférée le lendemain à l’hôpital de la Timone, à Marseille. Atteinte d’un entérovirus foudroyant, elle est plongée dans un coma artificiel. Paralysée des quatre membres, elle est reliée à des machines qui l’aident à respirer et manger. Les médecins sont très pessimistes quant aux espoirs de guérison de la petite. Marwa est atteinte d’une « atteinte neurologique sévère et définitive » expliquent-ils. Un « déficit majeur » qui les décide, le 4 novembre, à proposer aux parents de débrancher l’appareil respiratoire qui maintient artificiellement leur enfant en vie. Ce qu’ils refusent.

Désespéré, Mohamed Bouchenafa, le père de Marwa, saisit le 14 novembre le tribunal administratif de Marseille pour s’opposer à l’avis des médecins. Convaincu des espoirs de guérison de sa fille, chez qui il voit « des progrès chaque jour », il demande « qu’on laisse du temps à sa fille ». Le 16 novembre, la justice va dans son sens et « enjoint à l’équipe médicale de poursuivre les soins appropriés ». Elle ordonne par ailleurs « la réalisation d’une expertise médicale sur la situation de la jeune patiente ».

Les experts refusent de trancher le « dilemme éthique » que pose l’affaire

Trois médecins, deux neurologues et un neuropédiatre, sont alors mandatés pour cette mission. Dans le rapport qu’ils remettent au tribunal administratif, ils partagent le « pronostic clinique extrêmement négatif » de l’équipe médicale de Marwa. Pour eux, la petite fille restera « dépendante d’une dépendance suppléatoire » et sera « incapable de faire des gestes de la vie courante et pouvoir se déplacer, même en fauteuil électrique », même s’ils reconnaissent des éléments d’amélioration, notamment des « mouvements volontaires des paupières et du bras gauche ». Des constatations qui ne les aident pas à prendre une décision. Il se déclareront finalement incapables de trancher le « dilemme éthique » sur la poursuite du traitement.
Finalement, le juge tranche en faveur des parents et ordonne la poursuite du traitement, soulignant que la décision d’arrêter les soins est « prématurée car prise au terme d’un délai qui n’était pas suffisamment long pour évaluer, de manière certaine, l’inefficacité des thérapeutiques en cours et la consolidation de l’état de santé de l’enfant (….) la seule circonstance qu’une personne soit dans un état irréversible de perte d’autonomie la rendant tributaire d’une alimentation et d’une ventilation artificielles ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite du traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l’obstination déraisonnable ».

« Les parents de Marwa feront tout pour sauver leur fille »

Soulagés, les parents de Marwa n’auront pourtant pas le temps de savourer leur joie. L’hôpital a en effet annoncé dès le lendemain son intention de faire appel et de porter l’affaire devant le Conseil d’Etat. « J’espère qu’on aura gain de cause, que ça s’arrêtera là » a déclaré Anissa, la mère de Marwa, au micro de France Info. Dans le cas contraire « on se battra jusqu'au bout. S'il faut aller devant la Cour européenne des droits de l'Homme, on ira ». Mohamed Bouchenefa affiche la même détermination: « Ma fille a le droit de vivre. On sait qu'elle a un handicap lourd et on l'accepte. Il faut lui donner une chance ». Sa femme espère que les progrès de la médecine permettront à sa fille de guérir: « Si ça se trouve, dans quelques années, la science avancera. On ne perd pas espoir, on y croit".

« On ne peut pas la tuer si elle est consciente »

Autour d’eux, les manifestations de soutien se multiplient. Une pétition postée sur le site change.org a récolté plus de 250000 signatures. Sur Facebook, la page créée PAR Kam2LIA Bouyaiche, la cousine de Mohamed, est suivie par 110000 personnes: « On reçoit beaucoup de témoignages encourageants de gens qui étaient dans un état gravissime, comme Marwa, mais qui s’en sont remis. On nous avait aussi dit que Marwa ne se réveillerait pas quand elle était dans le coma, et pourtant elle l’a fait. Elle nous suit du regard quand on lui parle. Elle m’a même déjà fait un clin d’œil. On ne peut pas la tuer si elle est consciente, c’est de l’euthanasie masquée » explique-t-elle à Anadolu. Une vidéo montrant l’enfant éveillée et bougeant les yeux avait été postée sur la page « Jamais sans Marwa »pour l’attester.

En France, la loi Leonetti sur la fin de vie permet au corps médical de prendre une décision sans requérir le consentement des parents. Si le Conseil d’Etat statuait en faveur de la famille Bouchenefa, cela pourrait faire jurisprudence. La décision est attendue cette semaine, même si aucune date n’a été fixée.


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