France : les discriminations liées aux origines ne cessent de croître, s’alarme la Défenseure des droits
- Le rapport annuel de l’autorité publique, publié mardi, souligne une hausse des déclarations relatives aux discriminations

France
AA / Tunis / Majdi Ismail
La Défenseure des droits en France, Claire Hédon, a fait part dans son dernier rapport annuel portant sur l’année 2024 et publié mardi 25 mars d'une ‘’réalité alarmante’’ : les discriminations liées aux origines, réelles ou supposées, ne cessent de croître dans l’Hexagone.
Le rapport, repris par Le Monde, rend compte de la hausse ‘’inquiétante’’ de 53 % des appels à la plateforme dédiée à la lutte contre les discriminations de l’autorité publique, entre mai et juin 2024, au moment des législatives, principalement pour dénoncer des propos et comportements racistes, antisémites et islamophobes, visant particulièrement des personnes ayant une appartenance religieuse visible (kippa, voile). Le document de l’autorité publique mentionne que cette donnée tend à faire la démonstration d’un ‘’glissement du motif de l’origine vers celui de la religion’’.
‘’Les discriminations fondées sur l’origine réelle ou supposée demeurent, en particulier, un sujet tabou (…) la lutte contre les discriminations est éclipsée par les débats portant sur l’immigration et l’intégration’’, écrit dans un avant-propos George Pau-Langevin, adjointe à la Défenseure des droits en charge de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité.
L’autorité publique qui veille au respect des droits et libertés souligne le rôle de ‘’certains discours politiques et médiatiques (…) [qui] stigmatisent les immigrés et certaines minorités et légitiment ce faisant les discriminations’’ et l’impact du désengagement progressif de l’Etat dans les territoires les plus fragiles – notamment avec la réduction des budgets alloués à la politique de la ville.
Dans ce rapport, Claire Hédon a voulu ‘’alerter en particulier sur l’ampleur et l’augmentation des discriminations en France, confirmées par de nombreuses études’’.
La Défenseure des droits souligne cependant ‘’la diminution paradoxale des réclamations’’ reçues en 2024 dans ce domaine, qui ‘’met en lumière la difficulté des victimes à faire valoir leurs droits’’.
Plusieurs études réalisées entre 2022 et 2024, portées par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) ou encore l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), ont mis en évidence une augmentation préoccupante des discriminations et actes haineux en France et en Europe, indique le rapport.
Pour la Défenseure des droits, l’origine arrive en tête des appels téléphoniques reçus sur sa plateforme 3928, avec une augmentation des appels de 49% entre 2022 et 2024.
La part des réclamations (saisines de la Défenseure des droits) liées à l’origine constitue aussi le deuxième critère invoqué par les réclamants (15%) après le handicap (22%), est-il souligné.
Pour expliquer cette hausse des discriminations, la Défenseure des droits avance ‘’un contexte économique défavorable’’ mais aussi ‘’un contexte de polarisation des opinions, nourri par certains discours politiques et médiatiques, et exacerbé par les réseaux sociaux et l’usage des algorithmes’’.
L'autorité publique indépendante s'inquiète également du non-recours en matière de discrimination, corroboré par la baisse des réclamations reçues en 2024 (-15%).
‘’Celui-ci peut s’expliquer (...) par le fait que les victimes pensaient que cela n’aurait rien changé (43%), ne savaient pas quoi faire (36%), craignaient des représailles (26%), n’avaient pas conscience à l’époque qu’il s’agissait d’une discrimination (25%) ou n’avaient pas de preuve (20%)’’, détaille le rapport.
En 2024, la Défenseure des droits a reçu plus de 225 000 sollicitations, 140 996 réclamations et demandes d'informations, 84 196 appels aux plateformes téléphoniques. Au total 53 437 médiations ont abouti à un règlement à l'amiable et 216 décisions ont été rendues.