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France : Menacé de perdre son contrat avec l’Etat, le groupe scolaire Al-Kindi dénonce « une commande politique »

- L’établissement musulman, qui accueille 617 élèves du CP à la Terminale, fait l’objet d’accusations de séparatisme.

Feiza Ben Mohamed  | 10.12.2024 - Mıse À Jour : 14.12.2024
France : Menacé de perdre son contrat avec l’Etat, le groupe scolaire Al-Kindi dénonce « une commande politique »

Provence-Alpes-Cote d Azur

AA/Nice/Feïza Ben Mohamed

Après le groupe scolaire Averroès de Lille, et le collège Avicenne de Nice, c’est désormais au tour du groupe scolaire Al-Kindi, situé à Décines dans la banlieue lyonnaise, de faire les frais d’une menace de résiliation de son contrat avec l’Etat.

La préfecture du Rhône envisage en effet de rompre le dit contrat sur la base d’un rapport pointant des « atteintes répétées et manifestes aux valeurs de la République ».

Dans un entretien à Anadolu, la cellule de communication du groupe scolaire, estime que cette volonté relève d’une « commande politique » et trouve sa source dans des accusation infondées « de séparatisme ».

Ouvert en 2007, Al-Kindi est le dernier lycée musulman de France métropolitaine à être sous contrat avec l’Etat, depuis la résiliation de celui du lycée Averroès.

« Depuis l’ouverture du groupe scolaire, on a déjà eu 11 contrôles entre 2007 et 2023, alors que la moyenne en France pour les établissements privés sous contrat est d’un contrôle tous les 15 ans », rappelle la cellule de communication du groupe scolaire pour qui « il y a eu un point de rupture en 2023 avec une attitude très fermée de la part des inspecteurs ».

Depuis cette date, la structure estime que « tout est devenu agressif » et assure que « l’un de ces contrôles a été vécu comme une perquisition par les élèves ».

Et de poursuivre : « Tout nous amène à dire que c’est une commande politique. On a même eu un contrôle de nos comptes et on nous a imposé le respect d’un délai d’à peine un mois pour fournir toutes les informations de nos comptes, qui recensent plus de 15 000 écritures ».

Accompagné d’une équipe de trois avocats dont Maître Hakim Chergui et Maître Sefen Guez Guez, le groupe scolaire souligne que cette offensive administrative s’inscrit dans une série de procédures qui visent les diverses structures musulmanes du pays.

Dans le détail, d’après les informations données par la cellule de communication à Anadolu, plusieurs griefs sont opposés par les autorités administratives, pour justifier la rupture du contrat avec l’Etat.

« On est vraiment sur des accusations fallacieuses basées sur la présence, au CDI, de plusieurs livres qualifiés de séparatistes dont l’un est un recueil intitulé « 40 Hadith An-Nawawi » et que tout le monde a à la maison », grince le groupe scolaire.

La préfecture reproche également à la direction de la structure scolaire d’avoir fait mention, dans son règlement intérieur, d’une interdiction, pour les filles, de porter certaines tenues vestimentaires, et donc jugée discriminatoire.

Sur ce point, le groupe souligne que cette mesure est apposée dans les règlements de plusieurs autres établissements privés, sans qu’aucun d’entre eux n’ait jamais été menacé par une quelconque procédure administrative.

« La procédure qui nous vise est une construction sur du vide. On est le dernier lycée musulman de France métropolitaine. Cette procédure signifie purement et simplement qu’on ne veut plus donner d’argent public pour les musulmans », conclut la cellule de communication d’Al-Kindi.

De fait, le groupe scolaire est naturellement soutenu par la Fédération nationale des établissements musulmans (FNEM).

Son président, Makhlouf Mameche, rappelle que « les écoles privées musulmanes répondent à une demande croissante des familles, en proposant un cadre pédagogique qui allie excellence académique, respect des valeurs de la République et transmission de valeurs propres ».

Il estime à cet effet que « les attaques répétées contre ces établissements ne sont pas seulement injustes » mais « privent des milliers de familles d'une alternative éducative reconnue et appréciée ».

« L'éducation privée musulmane représente une véritable valeur ajoutée au service de l'intérêt général et mérite de pouvoir se développer et apporter sa contribution au paysage éducatif français », poursuit le responsable associatif.

Faisant état d’un « sentiment d’injustice », la FNEM, par la voix de Makhlouf Mameche « s'indigne de cet acharnement systématique qui vise les établissements privés musulmans, soumis à des décisions disproportionnées et à des contrôles intensifiés, en comparaison avec d'autres réseaux d'enseignement privé ».

« Déjà en 2024, le groupe scolaire Averroès a vu son contrat d'association résilié, et le collège privé musulman Avicenne a été menacé d'une fermeture heureusement annulée par la justice à Nice », souligne enfin la FNEM pour qui « ces décisions portent atteinte au principe fondamental d'égalité de traitement et réduisent injustement la liberté d'enseignement, pourtant garantie par la Constitution ».

Dans cet épineux dossier, une réunion de la commission académique de concertation est prévue jeudi, pour statuer sur la situation et acter le lancement d’une éventuelle procédure de résiliation du contrat d’Al-Kindi avec l’Etat.

Pour rappel, malgré les multiples procédures intentées pour contester la résiliation du lycée Averroès de Lille, l’Etat est allé au bout en mettant fin, de manière ferme et définitive, au contrat qui le liait à l’établissement qui bénéficiait pourtant de résultats d’excellence.

Du côté de Nice, le tribunal administratif a suspendu la fermeture du collège musulman Avicenne, visé lui aussi par un arrêté préfectoral.


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