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France : "Sans place dans les carrés musulmans, des centaines de corps attendent dans les frigos"

- L'épidémie de coronavirus Covid-19 a aggravé la situation des musulmans français qui ne trouvent pas de places pour inhumer leurs proches décédés, s'insuge l'association Tahara.

Ekip  | 11.05.2020 - Mıse À Jour : 12.05.2020
France : "Sans place dans les carrés musulmans, des centaines de corps attendent dans les frigos" Photo d'archives

Ankara

AA - Strasbourg - Fatih Karakaya

"Des centaines de corps attendent dans des frigos en France", s’alarme Abdessamad Akrach, président de l’association TAHARA.

Dans un entretien accordé à l’Agence Anadolu, Abdessamad Akrach lance un cri d’alarme sur la situation des musulmans décédés en France pendant l'épidémie de coronavirus Covid-19.

Son association Tahara est au cœur des problèmes rencontrés par les familles qui ont perdu un proche pendant la pandémie. "Notre objectif est de prendre soin de nos défunts", explique-t-il, indiquant que cette association existe depuis plus de 10 ans.

L’association œuvre en particulier sur l’accompagnement à la toilette rituelle. Mais depuis la fermeture des frontières, "la situation est devenue insoutenable", raconte le président qui est également aide-soignant dans un hôpital public en France.

En effet, la pandémie du coronavirus dans le monde met en lumière des problèmes jusqu’ici repoussés grâce à des solutions temporaires. Parmi ces situations, jusqu’ici mises de côtés, se trouve le manque de places dans les carrés musulmans en France.

Dans ce pays se définissant comme laïc, il n’existe pas de cimetières confessionnels au sens propre du terme. En revanche, même si la gestion est laïque, les traditions se font généralement avec des cérémonies basées sur la religion.

En France, il n’existe donc pas de cimetières entièrement dédiés aux défunts musulmans. Par contre, à l’intérieur des cimetières, on trouve ce qu’on appelle des carrés musulmans c’est-à-dire une partie du cimetière réservée aux musulmans décédés.

Face à la situation sanitaire exceptionnelle que traverse la France où vivent de nombreux musulmans, la question des places disponibles pour l’inhumation se pose donc, surtout pour les familles de défunts musulmans, car les carrés musulmans ont des capacités plus limitées.

D’après les chiffres officiels du CFCM (Conseil Français du Culte Musulman), on trouve environ 300 carrés musulmans avec chacun environ une centaine de places. Au vu du nombre de musulmans estimés à 5 millions, ces carrés ne suffisent pas à enterrer dignement les morts.

Or, en date du 11 mai, la France enregistrait 26 383 décès dus au coronavirus, dont de nombreux musulmans. La situation est davantage aggravée par la suspension des vols, ce qui oblige les familles à trouver des solutions en France.

Pour pallier à la saturation des morgues, le gouvernement français avait décidé de transformer l’entrepôt de produits frais de Rungis (Paris) en morgue temporaire. De même, faute de place dans les carrés musulmans, les corps de certains musulmans attendent dans ces frigos.

"Depuis que les pays ont fermé les frontières, les musulmans hormis les citoyens Turcs, ne peuvent plus rapatrier les corps", se désole le président de Tahara.

D’après lui, les musulmans auraient dû "se rendre compte de la situation bien avant et prendre les mesures nécessaires". Il faut reconnaître que depuis des années, plutôt que demander aux mairies de palier à ce problème, les musulmans de France ont préféré rapatrier les corps dans les pays d’origines.

- Cette situation n’est plus tenable

Mais pour le président de l’association, "les musulmans de France ne peuvent pas continuer à faire la politique de l’autruche". Selon ses constatations, "on peut comprendre que la première, voir la deuxième génération, veuille trouver le repos éternel dans son village d’origine mais aujourd’hui, les jeunes veulent se faire enterrer en France", remarque-t-il.

De ce fait, le président se désole de voir qu’à l’heure actuelle "des centaines de corps se trouvent encore dans des frigos et des entrepôts de chambres froides faute de places".

Il en appelle aux autorités pour augmenter la capacité des carrés musulmans et d’ouvrir dans chaque commune des carrés musulmans.

"En tant que français, j’ai envie d’être enterré dignement dans mon pays", explique-t-il avant de préciser qu’il fait évidemment allusion à la France.

- Le président français ne réagit pas

Au mois d’avril, le Conseil du Culte Musulman (CFCM) ainsi que la plateforme "L.E.S. Musulmans" avaient déjà alerté sur la situation dramatique des familles musulmanes endeuillées par la mort d’un proche. Ils avaient fait appel au président de la République, Emmanuel Macron, pour qu’il se saisissent du dossier.

Suite à cette mobilisation, quelques mairies avaient accepté d’ouvrir des nouveaux carrés ou d’agrandir les existants.

"Mais cela reste toujours insuffisant", se désole Abdessamad Akrach.

En revanche, à ce jour, aucun membre du gouvernement n’a réagi et n’a pris des mesures adéquates pour mettre fin à la souffrance des familles. De ce fait, d’autres musulmans ont choisi de faire inhumer leurs défunts dans les cimetières communaux. "Ce qui est contraire à la dignité humaine", conclut-il.

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