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Il y a 22 ans, Israël quitta sans gloire le Sud-Liban ... (Analyse)*

- “Un retrait israélien unilatéral du sud du Liban a été la 2ème pire et la 2ème meilleure option pour le PM Barak. Il ne voulait pas du statu quo et n'a pas réussi à trouver sa solution préférée, un accord négocié avec la Syrie” (Ghassan Salamé)

Fatma Bendhaou  | 25.05.2022 - Mıse À Jour : 27.05.2022
Il y a 22 ans, Israël quitta sans gloire le Sud-Liban ... (Analyse)*

Dubai

AA/Mohamed Badine El Yattioui**

Le 25 mai 2000, 22 ans après sa première invasion du Sud-Liban, Israël quitte sans gloire la bande frontalière qu’elle occupait aux côtés de sa milice supplétive, l’Armée du Liban-Sud (ALS). Ce retrait israélien du Liban a été fait dans un contexte particulier. Nous analyserons ses dessous et les enjeux qui en découlent, sans oublier les répercussions sur les deux pays et sur l'ensemble de la région.

Sur le plan historique, l’opération Litani (du nom du fleuve), en 1978, est le point de départ de l'invasion israélienne du Sud-Liban. Elle fait suite au meurtre de 37 Israéliens dans un bus de Tel Aviv, par des membres de l’OLP (Organisation de la Libération de la Palestine) infiltrés depuis le Liban. La résolution 425 du Conseil de sécurité des Nations unies, en 1978, fonde la FINUL afin de s’assurer du retrait israélien de ce pays, de permettre la sécurité à la frontière et d’aider le gouvernement libanais à restaurer son autorité sur son territoire.

En 2000, l’armée israélienne se retire sans informer l’ALS. Antoine Lahad et ses hommes doivent se sauver. Le Premier ministre israélien, Ehud Barak, a pris cette décision après avoir constaté la déroute de l'ALS face au Hezbollah, qui a repris un quart de la "zone de sécurité" établie depuis 1985. L’exception se nomme les Fermes de Chébaa et d’autres zones situées au Sud de la Ligne Bleue. Cette dernière est une ligne de démarcation entre les deux pays conformément aux accords d’armistice de 1949. En aucun cas il ne s´agit de la frontière internationalement reconnue, la ligne Paulet-Newcombe de 1923. 7 villages libanais se trouvent au sud de cette Ligne Bleue : Malkiya, Kadas, Nabi Yusha, Hunin, Saliha, Tarbikha et d’Abeil el-Qamh. En juin 2000, le professeur libanais Ghassan Salamé se livrait à cette intéressante analyse sur le contexte politique et diplomatique de cette époque : “Un retrait israélien unilatéral du sud du Liban a été la deuxième pire et la deuxième meilleure option pour le Premier ministre Ehud Barak depuis son arrivée au pouvoir en mai de l'année dernière. Il ne voulait pas du statu quo - la pire option - et n'a pas réussi à trouver sa solution préférée - un accord négocié avec la Syrie”.

Les territoires occupés par Israël étaient hors juridiction internationale, la torture était courante. Selon le politiste Daniel Meier, spécialiste du Liban, “parmi les populations parties en Israël, on retrouve une majorité de chrétiens. Un grand nombre d’entre eux, menés par Saad Haddad (fondateur de l’Armée du Liban Sud, leader de 1978 à 1984), constituent les supplétifs de la première heure (dès la première invasion israélienne de 1978). Cependant, des Libanais moins politisés ont aussi travaillé pour l’ALS. A partir de 1984, la milice opère une modernisation sous l’impulsion d’Antoine Lahad (chef de l’ALS de 1984 à 2000). Elle recrute alors plus largement dans la zone occupée par Israël, parmi des populations druzes et chiites. Même si ces populations n’adhèrent pas au projet idéologique, elles sont poussées à collaborer pour subvenir à leurs besoins”. Elles reçoivent de l’argent et parfois du travail en Israël (avec un salaire plus attractif qu'au Liban).

- L'entrée du Hezbollah dans l'arène politique

Le retrait israélien a marqué l'entrée du Hezbollah dans l'arène politique. Il est devenu un acteur clé dans la plupart des gouvernements et au Parlement. De plus, le Hezbollah, né en 1982, est la seule faction à avoir refusé d'abandonner ses armes à la fin de la guerre civile en 1990. Avec le temps, il est même devenu un acteur militaire plus puissant que l'armée libanaise. Malgré les sanctions américaines, il continue de recevoir armes et argent du régime iranien. Au sein de la communauté chiite (environ 30 % des Libanais), il a su fonder et maintenir un réseau important de structures associatives, scolaires et sanitaires sur lequel il s´appuie pour maintenir son influence.

Durant l'été 2006, Israël a lancé une offensive de 33 jours contre le Hezbollah. Cette décision a été prise en représailles à l'enlèvement par le groupe chiite de deux soldats israéliens à la frontière. Bilan : 1200 Libanais sont morts, principalement des civils et 160 Israéliens, majoritairement des militaires, ont également perdu la vie. Le mouvement dirigé par Hassan Nasrallah a tenu le choc et a engrangé un regain de popularité dans toute la région. Depuis 2011, son image s'est fortement dégradée, au Moyen-Orient et au Maghreb, du fait de son soutien au régime de Bachar Al-Assad en Syrie.

Au Liban également, les crises politiques régulières et profondes font que le Hezbollah est pointé du doigt comme l'une des sources principales de blocage, du fait de sa volonté de domination.

Aujourd'hui, le problème frontalier s'est complexifié car une partie de la zone maritime économique libanaise est désormais revendiquée par l´Etat hébreu. La zone disputée est estimée à plus de 800 kilomètres carrés et serait riche en pétrole et en gaz. La proposition américaine ou ligne Hoff accorde 560 kilomètres carrés au Liban et le reste à Israel. Beyrouth a refusé.

Depuis 2006, Israël et le Hezbollah ont évité une nouvelle guerre, malgré les échanges de tirs à la frontière. La stabilité à la frontière israélo-libanaise est le fruit d’une dissuasion car chaque partie estime qu’un nouveau face à face lui ferait subir des pertes importantes.

“En d’autres termes, l’une des composantes fondamentales de cette logique est l’acceptation par Israël et le Hezbollah de leurs vulnérabilités respectives, et de l’impossibilité de défaire l’adversaire”, selon Jean-Loup Samaan, chercheur à l´Université Nationale de Singapour et ancien directeur adjoint du département Moyen-Orient au Collège de défense de l’OTAN.

* Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que leur auteur et ne reflètent pas forcément la ligne éditoriale de l'Agence Anadolu.

** Dr. Mohamed Badine El Yattioui, Professeur de Relations Internationales à l´Université des Amériques de Puebla (Mexique).

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