La France a payé ‘’le prix de la mauvaise gouvernance politique’’ au Sahel, estime Emmanuel Macron
- Le président de la République française s’exprimait depuis Madagascar dans un entretien accordé à TV5MONDE à propos de la situation au Sahel et dans l'est de la République démocratique du Congo

France
AA / Tunis / Majdi Ismail
Le président français Emmanuel Macron, a estimé que la France a payé ‘’le prix de la mauvaise gouvernance politique’’ au Sahel, après les revers enregistrés au Mali, au Burkina Faso et au Niger qui ont mis en évidence l’échec militaire et diplomatique de Paris dans cette région.
Le président de la République française s’exprimait depuis Madagascar dans un entretien accordé à TV5MONDE à propos de la situation au Sahel et dans l'est de la République démocratique du Congo.
À la question de savoir s’il avait des regrets par rapport à la décision de Bamako, de Ouagadougou et de Niamey de tourner le dos à la France au profit de la Russie, le chef de l’État français a déclaré : ‘’des regrets, moi j’en ai beaucoup pour la jeunesse de ces pays (…) parce que c’est une jeunesse à laquelle je suis éminemment attaché, parce qu’on a tellement fait avec ce pays, parce qu’on a des dizaines de jeunes soldats qui sont partis mourir pour éviter que les terroristes djihadistes prennent possession du pays. Mais je ne peux pas vous dire que je suis heureux.’’
Et d’ajouter : ‘’ Qu’est-ce qu’on a mal fait ? qu’est-ce qui s’est passé ? Ce qu’on a mal fait c’est qu’on n’a pas réussi à sortir de la réponse sécuritaire, j’ai pourtant redoublé d’efforts. Le premier sommet que j’ai fait en juillet 2017 avec tous les présidents de ce qu’on appelait à l’époque le G5- Sahel, j’ai dit il faut mettre des projets, il faut de la gouvernance, parce que sinon dès qu’on arrête un groupe terroriste, ils arrivent à réattirer des jeunes parce qu’il n’y a pas d’espoir et on a un peu payé le prix de la mauvaise gouvernance politique’’.
Emmanuel Macron a expliqué qu’il y avait ‘’un système politique dont les jeunes ont voulu se débarrasser, dont certains ont voulu se débarrasser et on a été emporté avec. Mais on n’était pas là par connivence, on était là parce que ces responsables politiques élus par leurs peuples nous avaient demandé de les protéger, et la Cédéao nous avait demandé de la protéger face au terrorisme djihadiste. Et on a fait ce qu’on devait faire’’.
’’À coup sûr le Mali ne serait plus un état uni si on n’avait pas intervenu en 2013’’, a insisté le dirigeant français expliquant qu’’’on est resté trop longtemps dans une posture de soutien sans que ça bouge sur les projets et sur la rénovation démocratique.’’
Et de poursuivre : ‘’Ensuite qu’est-ce qui s’est passé ? des putschs. Est-ce que ça représente un peuple, un putsch ? Non, parce que ce n’est pas une élection et donc je dirais 'en bon Français' ‘’The jury is still out’’, parce que la jeunesse, elle, ne s’est pas exprimée, elle n’a pas voté’’.
‘’Qu’est-ce qu’ils [les dirigeants à la tête du Burkina Faso, Mali et Niger] ont fait au bout de quelques années ? ils ont appelé, l’assureur en dernier de leur sécurité et pas de la sécurité de leurs peuples, les Russes’’, a déploré Emmanuel Macron, estimant que "les milices russes mettent la main sur les ressources et protègent les putschistes, et ne se battent pas contre le terrorisme’’.
En perte d'influence sur le continent africain, après les coups d’État successifs au Sahel, la France a décidé de réduire fortement sa présence militaire en Afrique. Le Niger, le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso, ont enjoint à Paris de retirer son armée de leurs territoires, où elle était historiquement implantée. L'armée française a quitté également le Tchad et a rétrocédé sa dernière base militaire au Sahel. Elle devrait faire de même au Sénégal et en Côte d’Ivoire.
Autant d’’’échecs’’, de ‘’déconvenues’', et de ‘’faux pas’’, estime le Sénat français, qui dans un rapport de sa Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, publié fin janvier 2025 et intitulé ‘’Voir l’Afrique dans tous ses états’’, avait fustige la politique africaine durant les deux quinquennats d’Emmanuel Macron.
Concernant les accusations portées à la France par certains observateurs selon lesquels Paris a un positionnement trop ambigu à l’égard du Rwanda, Emmanuel Macron a déclaré : ’’Je trouve ça très injuste. D’abord parce que la France, pendant des décennies, a eu une relation qui était paralysée avec le Rwanda, après le génocide et parce qu’il y avait un passé qui ne voulait pas passer. Moi je me félicite ces dernières années (…) d’avoir restauré des relations saines, lucides sur le passé des dernières années et notre mémoire commune avec le Rwanda’’.
‘’Je suis pour la souveraineté et l’intégrité territoriale partout. Il ne doit pas y avoir de double standard. On ne peut pas dire quand il s’agit de l’Ukraine on a un problème avec les frontières internationales et quand il s’agit de la RDC on accepte que des étrangers ou des pays voisins viennent mettre la main sur des ressources. Non!’’, a fait observer le président français.
Et d’insister : ‘’J’ai toujours été clair avec tout le monde : l’intégrité territoriale et la souveraineté des congolais doivent être respectées’’.
Emmanuel Macron a évoqué les tensions ethniques à l’est de la RDC, indiquant que ‘’des mouvements politiques portent une partie [de la responsabilité] de ces tensions ethniques, avec le Mouvement du 23 Mars".
‘’Ceci doit être traité politiquement et nous ce que nous voulons faire, c’est par la discussion et avec la RDC et avec le Rwanda et avec toute la sous-région, trouver un chemin pour que l’intégrité territoriale, la souveraineté et le respect des intérêts de chacun, la désescalade politique et ethnique se fassent’’, a-t-il dit.
Le chef de l’État français a souligné que ‘’la France se positionne en quelque sorte dans une situation de facilitateur. Donc on a proposé une feuille de route, je parle en permanence avec les deux présidents, je le fais en soutien de l’initiative africaine, c’est-à-dire du rôle que le président [angolais] João Lourenço a joué avec le processus de Luanda, que les présidents [Kenyan] Uhuru Kenyatta et William Ruto ont joué avec le processus qu’ils ont porté de Nairobi et maintenant avec ce que l’Union africaine a décidé de regrouper et le rôle qu’a l’envoyé spéciale du président João Lourenço en la personne du président Faure Gnassingbé. J’ai déjà parlé au président Faure, il va se rendre dans les prochains jours au Rwanda. il s’est déjà rendu en RDC.’’
‘’Moi je cherche à ce que tout ça s’unifie pour une plus grande efficacité, parce qu’on a aujourd’hui une situation humanitaire qui est terrible à l’est de la RDC (…) Personne ne veut voir revenir des tensions ethniques dans cette région,’’ a conclu Emmanuel Macron.
La France a également revu son positionnement par rapport à la crise dans l’est de la RDC. Jusqu’à présent, Paris appelait au dialogue et à l’apaisement, jusqu’à ce qu’elle accuse à son tour Kigali, sortant de sa réserve, en janvier 2025. Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, avait exhorté les forces rwandaises à ‘’quitter instamment’’ le territoire congolais.
Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, avait déclaré que son pays n’avait pas de soldats sur le sol congolais, estimant que les rapports onusiens attestant qu’environ 4 000 soldats rwandais combattaient au côté du Mouvement du 23-Mars en RDC étaient ‘’fallacieux’’.
‘’Nous n’avons pas de soldats sur le sol congolais. Nous n’avons pas conquis de territoire. Le Rwanda a effectué des opérations ciblées le long de sa frontière et proportionnées à la menace qui plane sur nous’’, avait insisté le chef de la diplomatie rwandaise dans une interview accordée au Monde Afrique (Le Monde) publiée samedi 15 mars 2025.
‘’A plusieurs reprises, Félix Tshisekedi [président de la RDC] a dit qu’il voulait renverser le gouvernement rwandais. En 2022, il a qualifié le régime de ‘’diabolique’’. Un an plus tard, il a menacé de bombarder Kigali. Il s’est allié avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), Les milices « wazalendo » et l’armée burundaise. Il y avait aussi des mercenaires européens, roumains et français. Nous avons alerté la communauté internationale sur tous ces points. Mais elle a minimisé la posture agressive du président congolais, alors que ses menaces étaient sur le point d’être mises à exécution’’, a expliqué le ministre rwandais des Affaires étrangères.
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