
Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Les discriminations raciales en France demeurent une réalité préoccupante, malgré un cadre juridique censé les éradiquer. Ces discriminations se manifestent dans divers aspects de la vie quotidienne, affectant profondément les populations concernées.
- Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale : commémoration et mobilisation
Le 21 mars 2025 marque la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, instituée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1966 pour commémorer le massacre de Sharpeville survenu le 21 mars 1960 en Afrique du Sud, où 69 personnes ont été tuées lors d'une manifestation pacifique contre l'apartheid. À cette occasion, des manifestations et événements sont prévus à travers la France les 21 et 22 mars pour sensibiliser le public et dénoncer les discriminations persistantes.
- Accès à l'emploi : des inégalités persistantes
L'accès à l'emploi constitue un domaine où les discriminations raciales sont particulièrement prégnantes. Selon le 13ᵉ baromètre du Défenseur des droits et de l'Organisation internationale du travail publié en 2020, « 23 % des personnes actives en France déclarent avoir été victimes de discrimination(s) ou de harcèlement discriminatoire dans l'emploi ». Les critères les plus souvent évoqués sont l'apparence physique, le sexe et l'état de santé.
Par ailleurs, une étude de l'Insee de 2023 révèle que les descendants d'immigrés du Maghreb présentent un taux de chômage plus élevé que celui des immigrés de la même région (16 % contre 14 %), avec une part inexpliquée des écarts de taux de chômage se situant à un niveau élevé (80 %).
Le Rassemblement national (RN) a récemment proposé d'interdire l'embauche d'un étranger en cas de candidature d'un Français, renforçant ainsi le concept de « préférence nationale ». Cette mesure obligerait les employeurs à prioriser les candidats français pour l'ensemble des postes à compétences égales, les étrangers n'étant embauchés que s'ils possèdent des compétences rares et nécessaires. Cependant, cette proposition se heurte à des textes et conventions, tels que la Constitution française et les traités européens, qui interdisent ce type de discrimination.
- Accès au logement : des discriminations ancrées
Le secteur du logement n'est pas épargné par les discriminations raciales. Une étude a montré que les personnes ayant un nom à consonance arabe ou africaine ont respectivement 27 % et 31 % de chances en moins d'obtenir un rendez-vous avec un propriétaire pour louer un logement privé. Malgré l'interdiction légale de discriminer dans l'accès au logement, ces pratiques persistent, renforçant la marginalisation de certaines communautés.
- Racisme institutionnel : une réalité systémique
Le concept de racisme institutionnel désigne des discriminations ancrées dans les structures mêmes des institutions, indépendamment des intentions individuelles. Selon un article de la revue Migrations Société, « on parle de racisme institutionnel lorsque, en dehors de toute intention manifeste et directe de nuire à certains groupes ethniques, les institutions ou organisations adoptent des pratiques qui désavantagent ces groupes ».
Human Rights Watch a critiqué en 2023 le plan d'action de la France contre le racisme pour son omission du racisme institutionnel, notamment le profilage ethnique par la police. L'organisation souligne que « le profilage ethnique par la police et le racisme systémique devraient y être inclus ».
- Discours politiques : des vecteurs de stigmatisation
Les discours politiques et les représentations médiatiques jouent un rôle crucial dans la perception des minorités. Des déclarations stigmatisantes de certains responsables politiques contribuent à la normalisation des préjugés raciaux. Parallèlement, les médias, en véhiculant des stéréotypes ou en sous-représentant certaines communautés, participent à la perpétuation des discriminations.
Par exemple, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a annoncé en octobre 2024 deux circulaires visant à réduire l'immigration, fixant des objectifs pour augmenter les expulsions et réduire les régularisations, en insistant sur des exigences strictes concernant la maîtrise du français et l'assimilation des valeurs françaises pour les candidats à la régularisation. Ces mesures ont été perçues par certains comme une stigmatisation des populations immigrées.
De son côté, Éric Zemmour, ancien journaliste et ex-candidat à l'élection présidentielle, a régulièrement tenu des propos controversés sur l'immigration et l'islam en France, contribuant à la polarisation du débat public sur ces questions.
- Représentations médiatiques
Dans le paysage médiatique, des chaînes comme CNews, appartenant au groupe Bolloré, ont été critiquées pour leur couverture de l'immigration et de l'islam. L'Arcom, le régulateur de l'audiovisuel, a infligé une amende de 50 000 euros à la chaîne pour des propos du journaliste Geoffroy Lejeune concernant l'« immigration arabo-musulmane ».
De plus, des enquêtes ont révélé que CNews fait l'impasse sur les règles déontologiques élémentaires pour stigmatiser musulmans et étrangers, épargner coûte que coûte la police et criminaliser les mouvements sociaux.
Par ailleurs, des membres des forces de l'ordre sont également impliquées dans des pratiques discriminatoires. Le Défenseur des droits a dénoncé un «racisme systémique» au sein de ces institutions, mettant en lumière des contrôles au faciès et des violences ciblées envers les minorités.
- Vers une société plus inclusive ?
Face à ces constats, il est impératif de renforcer les politiques publiques pour lutter efficacement contre les discriminations raciales selon les ONG. Cela passe par une reconnaissance du racisme institutionnel, une formation accrue des acteurs institutionnels et une sensibilisation de l'ensemble de la société. Seule une mobilisation collective permettra de déconstruire les préjugés et de promouvoir une société véritablement inclusive.