Monde

Le Liban en 2022 : des défis récurrents et une vacance présidentielle en vue?

-Des échéances politiques majeures et sensibles attendent les Libanais au cours de cette année, échéances qui pourraient renverser les équilibres internes en vigueur

Ekip  | 04.01.2022 - Mıse À Jour : 04.01.2022
Le Liban en 2022 : des défis récurrents et une vacance présidentielle en vue?

Canada

AA / Beyrouth / Stéphanie Radhi

-Des échéances politiques majeures et sensibles attendent les Libanais au cours de cette année et qui pourraient renverser les équilibres internes
-Les Libanais feront face au cours de cette nouvelle année à l’ensemble des crises politiques, économiques et sociales qui n’ont pas été résolues
-Le mois de mars prochain sera probablement décisif pour deux raisons essentielles : les investigations portant sur l’explosion du port et la délimitation des frontières maritimes avec Israël
Des échéances politiques majeures et sensibles attendent les Libanais au cours de cette année et qui pourraient renverser les équilibres internes.
Alors que le pays souffre de la pire crise économique de son histoire, crise précédée en 2019 d’un soulèvement populaire, le voici engagé dans cette nouvelle année tout en charriant l’ensemble des crises politiques, économiques et sociales qui n’ont pas été résolues.
La crise économique qui ravage le Liban a provoqué une dévaluation record de la monnaie locale face au dollar américain, une pénurie en médicaments et en hydrocarbures ainsi qu’une baisse drastique du pouvoir d’achat du citoyen face à la folle augmentation des prix, le tout sur fond de crises politiques récurrentes et recrudescentes.

** Principaux évènements de 2021


19 février 2021 : Le Conseil supérieur de la Magistrature a désigné le juge Tarek Baitar au poste d’enquêteur judiciaire pour investiguer sur le crime de l’explosion du Port de Beyrouth, en remplacement du juge Fadi Sawwan.
2 juillet : Le juge Baitar a demandé la levée de l’immunité des anciens ministres et des députés actuels : Nihad Machnouk, Ali Hassan Khalil et Ghazi Zaiter pour les interroger (le parlement n’a pas encore statué sur ces demandes). Le juge a demandé, également, d’interroger l’ancien ministre Youssef Fenianos, le Chef du gouvernement intérimaire (en 2020) Hassan Diab et plusieurs hauts responsables sécuritaires.
A l’issue de ces demandes, les avocats de plusieurs des hommes politiques concernés ont déposé des requêtes pour demander de dessaisir le magistrat de l’affaire. Toutes ces requêtes ont été rejetées par les tribunaux libanais jusqu’à aujourd’hui.
15 juillet : Le chef du « Courant al-Moustakbel », Saad Hariri, s’est excusé en demandant de le décharger de former le nouveau gouvernement en raison de différends avec le président de la République, Michel Aoun, au sujet de la répartition des portefeuilles ministériels. L’abandon de Hariri intervient 266 jours après l’avoir chargé de former le cabinet.
26 juillet : Le député Najib Mikati a été chargé de former le gouvernement.
15 août : Une grande explosion s’est produite dans une citerne contenant des milliers de litres d’essence à Akkar (nord), faisant des dizaines de morts et de blessés.
10 septembre : Najib Mikati forme son gouvernement composé de 24 ministres.
13 octobre : Report d’une séance du gouvernement Mikati après le refus des ministres issus des Mouvements Amal et Hezbollah d’y assister, exigeant avant cela la prise d’une décision portant limogeage du juge Baitar de son poste, étant accusé de « politisation » de son enquête, de ses convocations et du traitement de l’affaire de l’explosion du Port de Beyrouth.
14 octobre : Enclenchement d’accrochages armés dans la zone de Tayouneh, située à proximité des zones de Shia (à majorité chiite) et de Rommena Badaro (à majorité chrétienne) à Beyrouth, au cours d’une manifestation organisée par des sympathisants des Mouvement Amal et Hezbollah (chiites) pour dénoncer les décisions de l’enquêteur judiciaire. Les affrontements ont fait sept morts et 32 blessés.
29 octobre : Le royaume d’Arabie Saoudite a rappelé son ambassadeur en poste à Beyrouth et demandé à l’ambassadeur libanais à Riyad de quitter son territoire. Des mesures similaires ont été décidées par les Emirats, le Bahreïn, le Koweït et le Yémen, sur fond des déclarations faites par le ministre libanais de l’Information, Georges Kordahi, au sujet de la guerre au Yémen. Kordahi a présenté, ultérieurement, sa démission.
Tous ces événements ont eu lieu alors que les protestations populaires se poursuivaient, à un rythme disparate, dans plusieurs régions du pays, pour dénoncer les conditions de vie et la situation économique dégradées au Liban. Les contestataires dénonçaient, aussi, la baisse sans précédent de la valeur de la livre libanaise qui a atteint un taux de change équivalent à 28 mille livres pour 1 dollar américain, et ce pour la première fois de l’histoire du pays.

** Un mois de mars décisif


L’analyste politique Maher Khatib relève que « l’année 2021 s’est terminée par une série de crises interdépendantes et le traitement de chacune d’elles devrait impacter sur les autres crises, tandis que le maintien d’une crise signifierait la préservation de ce statu quo et de toutes les crises pour une longue période ».
Khatib a, dans une déclaration faite à AA, indiqué que « le mois de mars prochain sera marqué par deux dossiers majeurs. Le premier porte sur les investigations sur l’explosion du Port de Beyrouth et le deuxième sur la délimitation des frontières maritimes du Liban avec Israël ».
Au mois d’octobre 2020, des négociations indirectes parrainées par les Nations Unies et avec une médiation américaine, ont démarré dans le cadre d’un Accord-cadre entre le Liban et Israël. Cinq rounds de pourparlers ont eu lieu, dont le dernier remonte au 4 mai dernier.
Motivant ses propos, Khatib cite ce qui a été rapporté par des acteurs clés de ces dossiers.
« L’enquêteur judiciaire dans le premier dossier a déclaré que son jugement devrait être prononcé d’ici trois mois, soit au courant du mois de mars 2022, de même que le médiateur américain dans le deuxième dossier, Amos Hochstein, a déterminé comme délai pour l’accomplissement de sa mission le mois de mars prochain également ».
Quant à la possibilité de l’éclatement de la vérité dans l’enquête sur l’explosion du Port, le journaliste Johny Mounir a indiqué qu’il « ne sera pas permis au juge Baitar de livrer son verdict ».

** L'échéance des élections présidentielle et législatives


La principale échéance au Liban, au courant de l'année 2022, sera l'organisation des élections législatives, prévues le 27 mars, au lieu du 8 mai comme cela était initialement prévu. Plusieurs observateurs appréhendent le report de ces élections.
Khatib a souligné que « les trois premiers mois de l'année seront extrêmement sensibles, avec l’enclenchement et le déroulement de la campagne électorale, dans la mesure où tous les protagonistes considèrent cette échéance comme décisive ».
« Ces mois seront marquées également par les pourparlers en cours au sujet de plus d'un dossier régional, s'agissant notamment du nucléaire iranien, et la situation libanaise est intimement liée à ce qui se passe au niveau de la région, en atteste la crise qui a été enclenchée récemment avec plusieurs pays du Golfe », a-t-il poursuivi.
« Au cours de cette période, toutes les possibilités et éventualités sont ouvertes, notamment concernant l'échéance électorale, dès lors que chaque camp, qui aurait à perdre de la tenue de du scrutin ira sans scrupule jusqu'à l'explosion de la situation, de nature à empêcher cela », a-t-il dit.
De son côté, Johnny Mounir, estime que « les élections législatives auront lieu à la date prévue, à défaut d’un évènement sécuritaire gigantesque et imprévu qui surviendrait dans le pays ».
Evoquant par ailleurs l'élection présidentielle prochaine, notre interlocuteur a annoncé que « nous ferons face à une vacance présidentielle l'année prochaine ».
Le mandat du président actuel Michel Aoun prendra fin le 31 octobre 2022.
Mounir prévoit un enclenchement d'affrontements et une accentuation des pressions avant que Aoun ne cède son poste, affirmant qu'il « n'y a pas lieu à ce qu'il reste une heure de plus au palais présidentiel de Baabda. Il s'agit d'une décision internationale ».


Au mois de novembre dernier, Aoun avait déclaré : « Je ne resterai pas au Palais de Baabda après la fin de mon mandat, mais si la Chambre des députés le décidait, je ne quitterais pas mon poste ».
Et Mounir de poursuivre : « Durant l'année 2022, nous ferons face à une vacance présidentielle qui générera un débat au sujet de la restructuration de la pyramide du pouvoir au Liban ».
En 2016, le Parlement avait élu Aoun au poste de président pour mettre fin à la vacance présidentielle, qui a duré 29 mois environ.
Mounir estime que l'année 2022 sera « celle des changements au Liban ».

** Les relations avec les pays du Golfe


Il est clair que les relations actuelles du Liban avec les pays du Golfe, en particulier avec l’Arabie Saoudite, sont instables. La tension s’est accentuée après la diffusion de déclarations faites par le ministre libanais de l’Information, Georges Kordahi (qui a démissionné depuis), qui ont été considérées par certains comme portant atteinte à Riyad et à plusieurs pays de la région du Golfe.
Pour ce qui est de l’avenir de cette relation, Mounir estime que « l’Arabie Saoudite a repris son rôle et sa logique d’affrontement avec l’Iran ».
Il a ajouté que « le rétablissement des relations entre le Liban et les pays du Golfe est possible, mais à un niveau de représentation réduit et ce front sera encore tendu, diplomatiquement et politiquement entre les pays du Golfe et l’Iran ou Hezbollah ».
En guise de conclusion, il est possible d’avancer que les crises sociales et politiques de l’année 2021 seront toujours présentes en cette nouvelle année. De nouvelles crises pourraient s’accumuler si es traitements nécessaires ne seront pas mis œuvre. De plus, les yeux des Libanais et du monde seront rivés sur ls résultats des élections législatives pour découvrir les nouveaux rapports de force dans le pays.

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.