Le poulet "Halal" brésilien se porte bien
-Premier exportateur mondial de viande de poulets avec 4,3 millions de tonnes sur 11 000 exportés en 2017, le Brésil compte parmi ses principaux acheteurs, les pays de l’Afrique du Nord et du Golfe, du Proche et du Moyen-Orient.
Rio de Janeiro
AA/Rio de Janeiro/Kakie Roubaud
Considérée comme «la ferme du monde», le Brésil a vu une nouvelle fois ses exportations de poulets augmenter de 6% entre octobre et novembre derniers.
Premier exportateur mondial de viande de poulets avec 4,3 millions de tonnes sur 11 000 exportés par différents pays en 2017, le Brésil compte parmi ses principaux acheteurs, les pays de l’Afrique du Nord et du Golfe, du Proche et du Moyen-Orient.
Selon l’ABPA, puissante Association Brésilienne de Protéines Animales qui regroupe les industriels du secteur, cette région est, avant l’Asie, la toute première destination des exportations brésiliennes de poulet, avec 1,3 millions de tonnes, vendus entiers ou découpés en 2017, soit 34% du total.
A elle-seule, l’Arabie Saoudite en a acheté 543 000 tonnes, les Emirats Arabes Unis 230 000, l’Egypte 138 000, l’Irak 108 000, le Koweit 106 000, Oman 80 000, le Qatar 73 000… et la Turquie 12 000 tonnes, soit 48 % de plus que l’an dernier !
En 2016, la Tunisie n’importait quasiment pas: elle a fait venir 800 tonnes de poulet en 2017 et le Maroc 580. La raison de ce succès est simple. Dès les années 70, le Brésil avait intégré les contraintes de l’abattage halal à ses lignes de production.
L’approbation des autorités religieuses et sanitaires des pays musulmans est venue progressivement, pays par pays. Mais des voix s’élèvent parmi les pays qui disputent au Brésil, le juteux marché du poulet Halal. Les principaux exportateurs mondiaux ne sont pas aujourd’hui des pays musulmans et d’aucuns prendraient bien une part plus grande à ce lucratif commerce mondial.
«Au Brésil, nous respectons toutes les religions. C’est pourquoi nous avons su nous adapter à toutes les demandes » défend Ricardo Santini, directeur des marchés à l’ABPA, rencontré par Anadolu.
Si le modèle Halal et ses critères sont toujours des installations tournées vers la Mecque, un couteau spécifique, un boucher musulman et les paroles «Bismillah Allahu Akbar» prononcées, «on trouve, dit-il d’un pays à l’autre, des singularités». Par exemple, le type d’alimentation exigée, la façon de donner de l’eau, la couleur des murs, blanche ou verte. L’entreprise familiale BRF (BR Food), géante du secteur, est à l’origine de ce marché avec l’Arabie Saoudite.
Mais plus seulement elle … «Aujourd’hui, 70% des élevages brésiliens et des entrepôts frigorifiques se trouvent dans le Sud du Brésil. Et tous, pratiquement, font du poulet halal» commente Ricardo Santini. Trois grandes sociétés de certification halal dominent le marché brésilien: CDIAL, CIBAL et SIIL HALAL.
Les bouchers musulmans sont souvent des immigrés en situation précaire, venus d’Afrique, du Sénégal à la Somalie mais aussi du Pakistan ou de l’Afghanistan.
En 2009, le Tribunal Supérieur du Travail a ainsi condamné BRF pour avoir passé contrat avec une entreprise d’origine sirio- libanaise Grupo de Abate Halal. Celle-ci employait 30 africains de confession musulmane, sans contrat de travail, comme bouchers et inspecteurs. Du coup, raconte Global MeatNews, un media professionnel d’information en ligne, BRF a crée sa propre filiale dédiée au marché Halal. Avec un siège à Dubaï, OneFood, c’est son nom, intègre maintenant toutes les phases, du stockage de céréales à l’abattage. Sous la marque commerciale Hilal, elle opère dans 40 pays du Moyen-Orient à l’Afrique, en passant par l’Europe et surtout l’Asie.
Sur le continent asiatique, second marché des exportateurs brésiliens 1,2 millions de tonnes ont été vendues en 2017, 32% du total. Pays bouddhiste, le Japon a aussi chez lui, des communautés musulmanes. Il arrive en tête des importateurs asiatiques (400 000 tonnes), devant la Chine (364 000 tonnes). Celle-ci d’ailleurs a accusé le géant sud-américain de faire du dumping.
Qu’importe: de nouvelles installations destinées au marché chinois sont en train de voir le jour au Brésil, pays décomplexé. Après avoir conquis le marché de la Malaisie, une sorte de Graal, car «c’est un marché très exigent» les exportateurs brésiliens de poulet envisagent maintenant d’aller devant les tribunaux de l’OMC à propos de l’Indonésie et du Nigéria qui lui refusent leur marché.
Lors d’une conférence de presse à Sao Paulo, à la mi-décembre, le président de l’ABPA Francisco Turra a expliqué que le Brésil offre désormais à ses clients toutes les garanties et que les dégâts causés par l’Opération Viande Avariée sont maintenant dépassés. En mars 2016, une opération de grande envergure de la police fédérale nommée Carne Fraca (Viande Avariée) avait abouti à la fermeture d’une vingtaine d’unités industrielles de poulet et à l’emprisonnement de certains responsables brésiliens. La viande contenait des doses élevées de bactéries type Salmonella et les poulets avaient été nettoyés de leurs odeurs avec des dérivés de l’ammoniaque.
Les pays importateurs avaient émis des sanctions à l’égard du Brésil avec un embargo total ou partiel sur les importations de poulet brésilien. Après des inspections en série réalisées dans les installations brésiliennes, la confiance, un an plus tard, semble revenue. Après des inspections en série réalisées durant toute l’année dans les installations brésiliennes, la confiance semble revenue. Sur 77 pays, seuls Santa Lucia, Trinidad e Tobago ainsi que le Zimbabwe maintiennent encore un type de représailles.
L’Europe pour sa part, importe peu de poulets Brésil : 274 000 tonnes, à peine plus que les Emirats! «17 000 containers partent chaque année en l’Europe depuis 10 ans» fait remarquer le vice-président de l’ABPA. Jusque dans ses négociations avec le Mercosur qui durent depuis 18 ans, l’Union Européenne reste prudente avec les producteurs brésiliens. Pour sa part, le Brésil des environnementalistes reproche aux éleveurs les OGM dans l’alimentation des poulets mais aussi de participer, par l’intermédiaire du soja, à la dégradation du «cerrado», cette savane au centre du pays, dont il ne reste que 50%.
Le Brésil des poulets répond que c’est un prétexte inventé par les pays riches pour protéger leur marché, que les élevages brésiliens ont eux, toujours échappé à la grippe aviaire et qu’en 20 ans, la productivité a été multipliée par 3 grâce à la densification de l’élevage. Au total le Brésil produit 13 millions de tonnes de poulet dont 9 pour son marché intérieur. C’est plus que le total exporté par l’ensemble des pays de la planète.. «Nous avons la responsabilité de nourrir le monde» explique Ricardo Santini. En toute simplicité.