L'organisation mondiale de la Santé appelle Washington à reconsidérer ses coupes budgétaires
- "Bon nombre des progrès réalisés au cours des 20 dernières années dans le domaine du paludisme sont aujourd'hui menacés", selon Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur de l'OMS

Geneve
AA / Genève / Beyza Binnur Donmez
"L'effet des coupes budgétaires américaines est déjà visible et sera plus important", a déclaré lundi Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).
S'exprimant lors d'une conférence de presse de l'OMS, il a demandé à Washington de reconsidérer sa décision.
"L'impact des réductions de financement de l'USAID et d'autres agences sera encore plus important, et nous le voyons déjà", a-t-il déclaré.
En ce qui concerne l'impact de ces réductions, Tedros Adhanom Ghebreyesus a indiqué que dans de nombreux pays, la perte du financement américain menace d'annuler les progrès réalisés dans la lutte contre les maladies, les taux de vaccination, la santé maternelle et infantile ainsi que la préparation aux situations d'urgence.
"Bon nombre des progrès réalisés au cours des 20 dernières années dans le domaine du paludisme sont aujourd'hui menacés. La fourniture de diagnostics, de médicaments et de moustiquaires imprégnées d'insecticide est aujourd'hui gravement perturbée par des ruptures de stock, des retards de livraison ou un manque de financement", a-t-il dit.
Selon Tedros Adhanom Ghebreyesus, les États-Unis ont été "le plus grand donateur bilatéral" dans la lutte contre le paludisme au cours des deux dernières décennies.
"Si les perturbations se poursuivent, nous pourrions enregistrer 15 millions de cas supplémentaires de paludisme et 107 000 décès rien que cette année, ce qui réduirait à néant 15 années de progrès", a affirmé le directeur de l'OMS.
"Il en va de même pour le VIH", a-t-il déclaré, expliquant que la suspension de la majeure partie du financement du Plan présidentiel d'aide d'urgence à la lutte contre le sida (Pepfar ) a entraîné l'arrêt immédiat des services de traitement, de dépistage et de prévention du VIH dans plus de 50 pays.
Il a ajouté qu'en conséquence, la thérapie antirétrovirale est désormais fortement perturbée dans huit pays et que ces derniers manqueront de médicaments dans les mois à venir, sans nommer les pays concernés.
"Les interruptions des programmes de lutte contre le VIH pourraient réduire à néant 20 ans de progrès, entraînant plus de 10 millions de cas supplémentaires de VIH et 3 millions de décès liés au VIH, soit plus du triple du nombre de décès de l'année dernière", a-t-il souligné.
Selon Tedros Adhanom Ghebreyesus, 27 pays d'Afrique et d'Asie sont confrontés à des défaillances catastrophiques dans leur riposte à la tuberculose : pénurie de ressources humaines, perturbation du diagnostic et du traitement, effondrement des systèmes de données et de surveillance, détérioration du travail essentiel d'engagement communautaire.
Il a également ajouté que neuf pays avaient signalé des défaillances dans les chaînes d'achat et d'approvisionnement des médicaments antituberculeux, soulignant ainsi l'importance du soutien des États-Unis aux services de lutte contre la tuberculose au cours des deux dernières décennies.
En outre, le réseau mondial de l'OMS pour la rougeole et la rubéole, qui compte plus de 700 laboratoires et qui était financé uniquement par les États-Unis, risque de fermer prochainement.
"Cela arrive au pire moment possible, alors que la rougeole fait son retour", a-t-il noté.
L'année dernière, 57 épidémies de rougeole importantes ou perturbatrices ont été recensées, et ce nombre est en augmentation depuis trois ans, selon l'OMS.
Tedros Adhanom Ghebreyesus a déclaré que les réductions soudaines du financement américain affectaient également les efforts déployés pour éradiquer la poliomyélite, surveiller l'émergence de maladies telles que la grippe aviaire et réagir aux épidémies et aux crises humanitaires.
"Près de 24 millions de personnes vivant dans de telles crises risquent de ne pas pouvoir accéder aux services de santé essentiels. Plus de 2 600 établissements de santé dans 12 crises humanitaires ont déjà suspendu leurs services, au moins partiellement, ou le feront très bientôt", a-t-il poursuivi.
Le directeur de l'OMS a souligné que les États-Unis avaient le droit de décider de ce qu'ils soutenaient, mais qu'ils avaient également la responsabilité de veiller à ce que "s'ils retirent leur financement direct aux pays, ils le fassent de manière ordonnée et humaine afin de leur permettre de trouver d'autres sources de financement".
"Nous demandons aux États-Unis de reconsidérer leur soutien à la santé mondiale, qui non seulement sauve des vies dans le monde entier, mais rend aussi les États-Unis plus sûrs, en empêchant les épidémies de se propager à l'échelle internationale", a-t-il déclaré.
Et d’ajouter : "Si les États-Unis décident de ne pas rétablir le financement direct des pays, nous leur demandons d'engager un dialogue avec les pays touchés afin que des plans puissent être élaborés pour passer de la dépendance à l'égard du financement américain à des solutions plus durables, sans perturbations qui coûtent des vies".
Il a également déclaré que, que le financement américain soit rétabli ou non, d'autres États doivent prendre les devants et augmenter progressivement les dépenses nationales de santé, ce qui est "plus important que jamais".
* Traduit de l’anglais par Alex Sinhan Bogmis
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