Poursuivi pour "apologie du terrorisme" François Burgat assume toutes ses positions sur Gaza au cours de son procès
- L’ancien chercheur du CNRS comparaissait jeudi devant la justice suite à des publications en lien avec la guerre à Gaza. Le délibéré est attendu pour le 28 mai prochain.

Provence-Alpes-Cote d Azur
AA / Nice / Feïza Ben Mohamed
Les faits sont assez rares et posent question: un ancien chercheur du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), auteur de nombreux ouvrages sur le Proche-Orient, islamologue et politologue, comparaissait, jeudi, devant le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence, pour des publications basées sur ses travaux de recherche scientifique.
François Burgat, 77 ans, fait partie de ceux qui, depuis le début de la guerre, ont assumé ouvertement leurs positions en faveur du peuple Palestinien, critiquant sans détour l’offensive menée par Israël sur la population gazaouie en représailles de l’attaque du 7 octobre 2023.
Pour avoir fait usage de cette liberté, le spécialiste, dont les travaux sont reconnus partout dans le monde sans jamais avoir donné lieu à de quelconques poursuites, s’est retrouvé en garde à vue le 9 juillet dernier.
Depuis, tout s’est enchainé et d’autres éléments ont été ajoutés à la procédure pénale initiée suite à un signalement des services de la DGSI (direction générale de la sécurité nationale) puis à une plainte de l’organisation juive européenne (OJE).
Dans un entretien à Anadolu, il est revenu sur le déroulé de ce procès à l’enjeu majeur. La France va-t-elle condamner un universitaire pour des positions et des conclusions basées sur ses travaux de recherches?
François Burgat raconte une audience au cours de laquelle « deux parties complètement irréconciliables » se sont opposées.
« Il y avait une partie qui était la plus nombreuse, représentée par quatre avocats, et qui pendant 5 heures, n’ont entendu parler que de 1% des victimes du drame de Gaza, et puis il y avait la voix du prévenu et de ses défenseurs qui entendaient parler également des 99% restants. C’est entre ces deux vocations de l’humanité, que le tribunal va devoir choisir », résume le politologue.
Il assure que sa « position n’est pas une position de provocation » et se dit « très fier » de s’être « trouvé hier » là où il s’est « trouvé, sans pour autant minimiser le poids moral et matériel qui est infligé par ce procès ».
Et de poursuivre : « Je préfère de très très loin être à ma place, qu’à la place des parties civiles (…). Un ami me disait récemment que de nos jours, si on n’est pas inculpé d’apologie du terrorisme c’est que quelque part, on a un peu raté sa vie ».
Selon lui, « ce qui rend ce procès unique », c’est le fait que son inculpation soit basée sur « la publication d’un extrait d’un ouvrage » qu’il a « publié en 2016 sous le titre ‘comprendre l’islam politique’ ».
« Personne, dans les parties civiles, n’a, ne serait-ce que mentionné le titre du livre qu’il m’est reproché d’avoir écrit, personne ne l’a lu, et personne bien sûr, ne s’est montré capable d’étoffer et de documenter les fondements de cette inculpation », note François Burgat sans manquer de rappeler que « comme l’a mentionné Maître Rafik Chekkat (son avocat) à l’audience, jamais il n’y a eu, en France, un ouvrage qui donne lieu à une inculpation judiciaire, 9 ans après sa publication ».
-- "Contradiction majeure"
Pour François Burgat, les poursuites pénales, dont il fait l’objet, illustrent « la contradiction majeure qu’il y a entre la position du gouvernement français qui prétend récupérer les chercheurs américains menacés par les persécutions de l’administration Trump, et qui dans le même temps, se permet de poursuivre, un chercheur sur la base de travaux académiques dument publiés et n’ayant jamais donné lieu à aucune plainte ».
Il raconte, par ailleurs, qu’au cours de son procès, l’avocat de l’OJE a suscité « un frisson de réprobation » dans la salle d’audience en sous-entendant qu’il « pourrait y avoir dans la salle, des gens qui, ayant reçu des petites graines de François Burgat, pourraient, demain, devenir des terroristes ».
Ce dernier juge « malheureusement assez vraisemblable que cette affaire aura une suite en appel, si par miracle (il) n’était pas condamné, et en appel également, si comme ça reste relativement vraisemblable, (il) devait l’être ».
Pour rappel, François Burgat comparaissait devant la justice pour deux principales déclarations: une première partie pour avoir déclaré qu’il avait « infiniment plus de respect pour les dirigeants du Hamas que pour ses homologues israéliens » et une seconde partie pour avoir exprimé publiquement le sentiment d’injustice partagé par de nombreux militants, après la condamnation d’Abdelhakim Sefrioui dans le procès de l’attentat contre Samuel Paty.
« J’ai formulé ma position dans un tweet titré ‘Nous sommes tous des terroristes’ et je l’ai explicitée et documentée dans plusieurs autres. Elle se résume facilement. Si Abdelhakim Sefrioui, qui a critiqué Paty, est rendu responsable de son meurtre par quelqu’un dont il n’a jamais moindrement croisé la route, nous tous qui avons condamné l’action de gens dont le destin s’est terminé tragiquement, pouvons être condamnés comme autant d’assassins », a-t-il fait valoir sur ce point.
Face à la multiplication de ce type de procédures, qui ciblent les voix pro-palestiniennes les plus visibles, un comité de soutien, a été créé début avril, pour soutenir François Burgat, comme d’autres ont été soutenus avant lui, alors qu’ils faisaient face à un véritable rouleau-compresseur tant médiatique que politique.
Alors que la justice rendra sa décision le 28 mai prochain, le politologue encourt une peine pouvant aller jusqu’à 5 années de prison et 75 000 euros d’amende.
Le parquet a requis une peine de 8 mois de prison avec sursis, 6 mois d’interdiction du réseau social X et 4 000 euros d’amende.
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