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Salaheddine al-Ayyoubi ou celui qui a tenu tête aux Occidentaux

- Il lutta contre les Croisés et réussit à leur reprendre Jérusalem.

Malek Jomni  | 04.03.2022 - Mıse À Jour : 06.03.2022
Salaheddine al-Ayyoubi ou celui qui a tenu tête aux Occidentaux

Tunisia

AA / Tunis / Malèk Jomni

Au fil de l'histoire, certaines figures emblématiques laissent une empreinte indélébile dans la mémoire collective, grâce à leur prouesse au combat, à leurs batailles décisives et inoubliables ou à leur force physique ou mentale, d'autres se démarquent par leur sagesse, leur extrême intelligence et leur sens aigu de la justice. Salaheddine al-Ayyoubi, icône vénérée de l'Islam et populairement connu en Occident sous le nom de Saladin, portait, désormais, toutes ces qualités en lui.

Incarnant l'image du guerrier parfait grâce à ses féroces batailles en combinant droiture et générosité, Salaheddine conquiert Jérusalem, ville sacrée pour les trois religions monothéistes et source de conflit jusqu'à nos jours. Cette reconquête est, en effet, considérée comme l'évènement le plus marquant de l'histoire du fameux dirigeant qui a constitué l'apogée de son règne, par les Musulmans du monde entier, pour avoir réussi à rétablir un équilibre religieux et socio-politique remarquable dans la région.

Qui est Salaheddine al-Ayoubi ?

Près de 1 000 ans en arrière, alors que le monde était divisé par de tumultueux conflits religieux, un futur guerrier musulman au talent de commandant et de leader juste et courageux est né en 1138. Son nom est Youssef fils d'Ayoub, plus connu sous le nom de Salaheddine al-Ayoubi, premier dirigeant de la dynastie ayyoubide, liée au nom de son père, Najmeddine Ayoub.

Dans sa jeunesse, il étudie le Coran, la théologie et l'astronomie ainsi que les mathématiques et le droit. Il reçoit, ensuite, une formation militaire avant d'intégrer le service d'Imad-Eddin Zengi, un puissant gouverneur turc du nord de la Syrie qui le nomme commandant de sa forteresse, dans la ville de Baalbek, dans l'est du Liban, près de la frontière syrienne. Il rejoint, plus tard, l'état-major de son oncle, important commandant militaire sous le dirigeant et chef militaire Nur ad-Din, qui était le fils et successeur du sultan Imad-Eddin Zengi de Mossoul.

Issu d'une tribu kurde partiellement arabisée et surnommé "le lion de l'Islam" et "Sultan d'Egypte et de Syrie". Il est, aussi, réputé pour être le roi qui a combattu les Britanniques, les Germains, les Francs et qui a fait face aux Romains, aux Grecs et autres.

- Les prémisses d'une destinée glorieuse

A l'âge de 26 ans, Youssef Ibn Ayoub, ignorant ce que l'avenir lui réservait, prend la route pour le pays du Nil où ses exploits font très vite parler de lui, même si son rôle était relativement mineur, au début de la campagne. En éliminant Shawar ibn Mujir al-Saadi -visir de l'Egypte fatimide de 1162 à 1163 et de 1164 à 1169- il devient gouverneur d'Alexandrie à l'âge de 31 ans et s'impose comme commandant des troupes syriennes en Égypte et vizir du califat fatimide (chiite), qu'il abolit en 1171 pour y rétablir le sunnisme, régnant en seul maître sur l'Égypte.

Il se déclare Sultan d'Égypte trois ans plus tard et fonde la dynastie ayyoubide après la mort de Nur ad-Din, en 1174. Il décide, par la suite, de renforcer son contrôle sur la Syrie et de s'emparer d'Alep en 1183 et de Mossoul en 1186, avant de se fixer comme objectif de poursuivre sa conquête du Moyen-Orient à Jérusalem.

En 1177, le guerrier subit une lourde défaite à l'importante bataille de Montgisard l'opposant à Baudouin IV, dit le Lépreux, qui réussit à le vaincre avec un effectif réduit. Deux ans plus tard, le fils d'Ayoub prend sa revanche à Marj Ayoun en 1179, suite à quoi Baudoin, qui meurt de la lèpre en 1185, demande une trêve. Une requête acceptée par Saladin, en raison de la sécheresse qui frappait les deux parties à cette époque.

Un coup de théâtre est, toutefois, annoncé en 1182 par le prince d'Antioche, Renaud de Châtillon, qui brise la trêve en s'attaquant à une caravane appartenant à des Musulmans, en agressant des pèlerins se rendant à la Mecque -qu'il voulait d'ailleurs détruire- et en lançant, en plus, une flotte de piraterie en Mer rouge pour brûler les navires. Les Musulmans finissent, alors, par se venger en détruisant la flotte des croisés et en exécutant les captifs en public, laissant ainsi place à de grosses tensions entre les deux dirigeants.

- L'apogée de Salaheddine

Une tentative de gérer le conflit avec diplomatie en proposant de libérer les prisonniers et de restituer les biens a été rejetée par Renaud de Châtillon avant que Salaheddine ne décide de rassembler 30 000 hommes pour lancer, en 1187, une campagne militaire contre l'armée franque, qui comptait environ 20 000 personnes.

Après avoir vaincu l’armée latine à Hattin, le sultan ayyubide parvient à prendre la ville de Jérusalem. Sa bataille contre les Croisés n'a pas été chose commode mais il a réussi à les avoir et à unir les Musulmans grâce sa bravoure, sa piété et sa finesse tactique, le long de ses prochaines campagnes de pacification et d'unification.

La bataille est aisément remportée, par l'armée de Salaheddine qui encercle l'ennemi et capture le prince d'Antioche finalement décapité, à Tibériade, pour ses crimes perpétrés contre les Musulmans. Saladin lui tranche la tête devant les barons francs. La difficulté du milieu naturel et la chaleur auraient joué en faveur des hommes d'al Ayoubi, déjà habitués au climat, selon les historiens.

Salaheddine a réalisé l'ultime objectif de sa campagne militaire, en reconquérant Jérusalem, le 2 octobre 1187, avant de la répartir en trois zones, pour que les Musulmans, les Juifs et les Chrétiens puissent cohabiter en toute harmonie. Il était, en effet, interdit d'infliger le moindre outrage aux Chrétiens, sur ordre de Salaheddine. Il leur a permis de quitter les villes conquises, de regagner les terres chrétiennes sains et saufs avec tous les biens qu'ils peuvent emporter avec eux. Saladin était, incontestablement, respecté tant par le monde musulman et que par le monde non-musulman pour son sens du devoir, sa tolérance et son courage.

C'est dans cette même ville que, 88 ans plus tôt, les Musulmans qui n'ont pas pris la fuite ont été éliminés et les Juifs brûlés dans leurs synagogues par les croisés qui s'emparent de Jérusalem et y fondent un royaume.

Jérusalem, rappelons-le, a été conquise, pour la première fois, en 638 par le deuxième calife musulman, Omar Ibn al-Khattab et a été gouvernée, au cours des quatre siècles suivants, par des Musulmans jusqu'à ce que la première croisade a lieu, en 1099.

Cette reprise de Jérusalem qui entraînera la troisième croisade a été faite au nom de l'islam, certes, mais également pour des raisons stratégiques, son royaume retrouvant ainsi une unité.

- Jérusalem reconquise, après un siècle de présence occidentale

Une fois la ville sainte récupérée, Salaheddine al-Ayoubi s'attaque au dernier bastion des croisés, en poursuivant la conquête du Comté de Tripoli et de la Principauté d'Antioche. Cependant, après leur lourde défaite, les croisés en Europe, préparaient la troisième croisade menée par Richard 1er, connu sous le nom Cœur de Lion (roi d'Angleterre, duc de Normandie, duc d'Aquitaine, comte de Poitiers, compte du Maine et comte d'Anjou de 1189 à sa mort en 1199), qui mène une campagne militaire et s'empare, en 1191, de la place forte, Saint-Jean d'Acre, où il commet un terrible massacre de 3 000 prisonniers, femmes et enfants compris.

En position de force après avoir gagné la bataille de Jaffa contre les forces musulmanes, Cœur de Lion propose à Saladin que Jeanne d'Angleterre, sa sœur, épouse le frère du souverain musulman, qui devra se convertir au christianisme. Chose que Salaheddine refuse avant de se diriger vers Jaffa et obliger les troupes de Richard à se retirer.

Il s'agit de la dernière bataille de la Troisième croisade. Elle aboutit à une trêve entre les deux leaders de guerre. Bien que Jérusalem reste entre les mains de Saladin, les pèlerins chrétiens ont libre accès au Saint-Sépulcre, en tant que pèlerins non armés. Les Croisés conservent, par ailleurs, le contrôle d'une importante bande de terre, s'étendant de Beyrouth à Jaffa.

- Une grande figure de l'Islam s'éteint

Salaheddine al-Ayoubi après avoir accompli sa mission d'unifier les Musulmans et de reconquérir Jérusalem, vit jusqu'en 1193 où il rend l'âme le 4 mars à 55ans, à cause de la fièvre, à Damas (Syrie). Peu avant sa mort, il a fait don de la totalité de ses biens et de ses économies aux plus démunis.

Le sultan d'Egypte et de Syrie a mis en pratique une politique de tolérance religieuse dans la ville Sainte. Cette grande indulgence lui vaudra l'estime des Croisés et des Arabes. A sa mort, l'Occident et l'Orient s'allient pour saluer la disparition d'un modèle de vertu chevaleresque.

Après son décès, son frère Mélik el-Adil lui succède à la tête de l'empire. Les littératures orientales et occidentales le représentent comme un chevalier pieux et respectueux de ses ennemis. La dynastie ayyoubide succombe ainsi au sultanat mamelouk, en 1250.



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