Sommet sur l'intelligence artificielle : la France veut rattraper son retard
- Un enjeu "civilisationnel"" à placer la France et l’Europe au cœur de la course à l’intelligence artificielle, a déclaré la ministre française chargée de l’IA et du numérique, Clara Chappaz.

France
AA / Tunis / Salim Boussaïd
Face à un retard certain par rapport aux Etats-Uµnis et la Chine, la France a exprimé sa volonté d'aller plus vite en matière d'intelligence artificielle (IA), à l'occasion de la tenue du "Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle", Grand Palais de Paris, les 10 et 11 février courant.
L’événement accueille pas moins de 1500 invités de haut niveau, venus de près de 100 pays, représentant les entreprises et les organisations actives dans la haute technologie, des décideurs, des chercheurs, etc.
Le sommet, co-présidé par la France et l’Inde, s'articule autour de 5 thèmes de réflexion, avec l’ambition de "Placer la France et l'Europe sur la carte du monde de l'intelligence artificielle".
Les thèmes débattus lors des conférences, tables-rondes, débats et nombreux événements parallèles, tenus le premier jour du sommet, sont ainsi déclinés :
- « Définir, construire et mettre à disposition des infrastructures ouvertes pour l'IA au niveau mondial, dans le sens de l'intérêt public, afin d'atteindre les meilleurs résultats en matière sociale, économique et environnementale" ;
- « La manière d’ont l’IA s’intégrera dans le du travail à l’avenir. L’enjeu est de se concentrer sur la promotion des usages de l’IA qui amélioreront la productivité et le bien-être » ;
- « construction d’écosystèmes d’innovation dynamiques et durables permettant de développer l’IA dans tous les secteurs d’activité » ;
- Comment renforcer « la confiance dans l’IA » ;
- Réflexion sur un « Cadre inclusif de gouvernance internationale de l’IA.
-- Aller plus vite
A l’occasion du sommet, le président français Emmanuel Macron a annoncé un financement émirati de 109 milliards d’euros au cours des prochaines années pour promouvoir l’intelligence artificielle en France, entre autres, avec la création d’un grand "Data center" en France.
"Ce sont des data centers, ce sont des partenariats avec des grandes entreprises françaises, c’est énormément de capacités de calcul, qui vont être créées sur le territoire", a déclaré le président Macron.
Le retard de la France par rapport aux Etats-Unis et la Chine en matière d’IA a été constaté à plusieurs niveaux. Pour rattraper ce retard, la France envisage de s’associer avec 8 pays (non spécifiés), des entreprises et des associations pour lancer une initiative pour une IA « d’intérêt général ». Une réflexion particulière est lancée sur une gouvernance concertée de l'IA au niveau mondial.
Le président français a encouragé les acteurs européens "à acheter européen", parce que "c’est un bon réflexe", a-t-il justifié.
"Nous avons le meilleur écosystème en Europe, en France et nous souhaitons en profiter, profiter de ce sommet pour aller toujours plus vite". En « général, nous sommes trop lents », a reconnu Macron. « Avançons, et avançons vite, nous en avons besoin », a-t-il plaidé, pour rattraper le retard.
Le président Macron a également appelé à un sursaut européen en la matière.
"A l’échelle nationale et européenne, nous devons nous synchroniser avec le reste du monde (...) dans les différents secteurs", a également souligné le président français, lors de la clôture de la première journée dudit sommet.
Dans le même ordre d'idée, la ministre française chargée de l’IA et du numérique, Clara Chappaz, a pointé un enjeu "civilisationnel"" à placer la France et l’Europe au cœur de la course à l’intelligence artificielle, face aux Etats-Unis et la Chine.
« Ce n’est pas seulement un enjeu économique, c’est aussi un enjeu démocratique et politique », a-t- elle déclaré. "Il y a une course de valeurs et de modèle civilisationnel" dans laquelle la France cherche des partenaires, a-t-elle noté.
-- Ressources humaines
En ce qui concerne les ressources humaines, Macron a fait savoir que la France formait "de nombreux talents" et ambitionne d'aller encore plus vite.
"Nous avons 40 000 data scientists spécialisés dans l’IA et nous allons passer à 100 000 formés par an", a-t-il martelé.
Une approche européenne dite « Notre-Dame » sera adoptée pour les centres de données, les autorisations de mise sur le marché, l’IA et l’attractivité, a annoncé le président français.
Des chiffres importants concernant l'emploi ont été communiqués lors du premier jour du sommet.
Environ 92 millions d’emplois sont menacés dans le monde au cours des 5 prochaines années à cause de l’intelligence artificielle, ont relevé les experts au cours de la première journée. En revanche 170 millions d’emplois pourraient être créés grâce à l’IA.
-- Signature d'un partenariat pour protéger le patrimoine culturel
Lors de la première journée du sommet, Microsoft, l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (Aliph), la société américaine Planet Labs et la start-up Iconem ont signé un partenariat visant à utiliser l'IA pour protéger le patrimoine culturel face aux conflits et aux changements climatiques.
Il s'agit d'un fonds de dotation, baptisé "HeritageWatch.AI", financé grâce à "un engagement initial de 1 million de dollars sur quatre ans".
"La protection de notre mémoire peut dorénavant prendre de nouvelles formes", a ainsi indiqué Yves Ubelmann, président de HeritageWatch.AI, lors de la cérémonie de signature de ce partenariat.
Ce fonds de dotation va "nous aider, collectivement, avec des indicateurs précis, à identifier ce que l’on doit absolument conserver pour les générations futures", a-t-il ajouté.
"Nous allons pouvoir connaître avec précision, sur une décennie, les effets des pluies diluviennes toujours plus violentes sur les villes historiques du Sahel, mais aussi l’impact patrimonial de la montée des eaux, notamment en Afrique, ou sur des lieux de la zone Indo-Pacifique", a expliqué Bariza Khiari, présidente de l’Aliph.
Suite à la signature de ce partenariat, la ministre française de la Culture, Rachida Dati, s'est félicitée d'une "avancée majeure dans l’application du potentiel de l’intelligence artificielle" dans la protection du patrimoine culturel commun.
-- ChatGPT et l’école :
L’usage du logiciel Chat GPT (porté depuis 2022 par la firme OpenAI), par les élèves et les étudiants n’est pas passé sous silence, non sans susciter les inquiétudes des enseignants et des autorités éducatives.
Désormais, les apprenants qui ne l’utilisent pas sont une minorité en France, de quoi lancer une réflexion sur l’opportunité de donner des devoirs à faire à la maison.
Rien n’est encore décidé pour maintenir l’équité entre les élèves qui font recours à l’AI et ceux qui ne le font pas.
Il s’avère, cependant, que les élèves ne s'appuyant pas sur l'IA sont plus brillants que ceux qui font de ce logiciel "leur assistant personnel".
-- Contre-sommet
Parallèlement au sommet qui se déroulait au Grand Palais, à Paris, un "contre-sommet" a été organisé, à quelques centaines de mètres, lundi après-midi au Théâtre de la Concorde.
L'événement a réuni différentes corporations et professions affectées par l’implantation de systèmes IA dans leurs secteurs d’activité, afin de témoigner et débattre de ses conséquences sur le travail, mais aussi sur l’environnement et l’éducation.
"Nous vivons à l’ère de la puissance, portée par l’industrie du numérique et de l’IA, entretenue par la plupart des responsables politiques, a déclaré le philosophe Eric Sadin, à cette occasion.
"Ce fondamentalisme de l’IA occupe tout le territoire, est présenté comme la seule voie, semble inévitable, mais produit pourtant des conséquences sociales gigantesques", a-t-il expliqué mettant en garde contre "une humanité bientôt absente à elle-même".
Le "Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle" se poursuit mardi avec une plénière à laquelle participent plusieurs chefs d'Etats et de gouvernements, des annonces pertinentes sont attendues à la clôture.