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"Tout le monde savait qu’à Bétharram, les prêtres avaient carte blanche pour les violences", selon des témoins

- Anadolu s’est rendu à Lestelle-Bétharram et a recueilli des témoignages attestant de l’omerta qui a longtemps régné autour de l’établissement privé catholique béarnais.

Feiza Ben Mohamed  | 24.04.2025 - Mıse À Jour : 24.04.2025
"Tout le monde savait qu’à Bétharram, les prêtres avaient carte blanche pour les violences", selon des témoins

Provence-Alpes-Cote d Azur

AA / Lestelle-Bétharram / Feïza Ben Mohamed

S’il y a bien un dossier qui pollue le mandat de François Bayrou à Matignon, c’est sans aucun doute, celui de Bétharram.

Le Premier Ministre, qui est toujours maire de Pau, est en effet accusé d’avoir eu connaissance des violences et des violences sexuelles perpétrées au sein du groupe scolaire privé catholique Notre-Dame de Bétharram, sans jamais les avoir dénoncées, et alors même que ses propres enfants y ont été scolarisés et que son épouse y a enseigné le catéchisme.

Alors que les projecteurs sont braqués sur lui depuis le début de ce scandale qui ébranle l’Eglise catholique, François Bayrou s’est dit « bouleversé » après le témoignage de sa fille Hélène Perlant, révélant avoir caché à son père, une agression dont elle a été victime et perpétrée en 1987 par le Père Lartiguet (décédé en 2000).

En prenant la parole publiquement pour détailler des scènes de violences au cours desquelles elle a été « trainée par les cheveux, jetée au sol et rouée de coups de poings et de pieds », la fille du Premier Ministre a provoqué une véritable onde de choc, poussant son père à prendre la parole pour se dire « bouleversé ».

« Cela me poignarde le cœur. Que l’on n’ait pas su et que des dérives de cet ordre aient eu lieu, pour moi c’est insupportable », a-t-il déclaré mercredi face à la presse.

L'Agence Anadolu, est allée à la rencontre de témoins, au cœur de la commune de Lestelle-Bétharram. Si une certaine forme de silence et de pudeur reste de mise, une lycéenne, a accepté de témoigner anonymement.

Julie* est catégorique sur les faits qui sont imputés au personnel de l’établissement. Elle assure que « même si maintenant les choses n’ont plus rien à voir avec ce qu’elles ont été, tout le monde, dans la région, sait que Bétharram c’était un peu comme une maison de correction, un endroit où on allait pour se faire redresser, et apprendre dans des conditions hyper rigides ».

« Personnellement je n’ai jamais eu de problèmes ici, mais ça m’énerve d’entendre des gens faire semblant qu’ils ne savaient pas ce qui a pu s’y passer, parce-que clairement c’était la réputation qu’avait Bétharram. C’est indéniable et surtout c’est honteux d’essayer de faire croire qu’on découvre que des prêtres ont commis des viols et des violences alors que c’est de notoriété publique », grince la jeune fille.

Et son témoignage fait plus que jamais échos aux déclarations d’Hélène Perlant, dans les colonnes du magazine Paris Match.

« On ne témoigne pas pour exposer nos stigmates mais pour expliquer le système Bétharram, maintenant que nous, entre anciens élèves, on commence à le comprendre et à se soutenir les uns les autres. On montre comment ces déchaînements de violence publics sont la condition paradoxale pour que personne ne parle jamais », a-t-elle estimé.

Selon elle « Bétharram était organisé comme une secte ou un régime totalitaire exerçant une pression psychologique sur les élèves et les enseignants pour qu’ils se taisent ».

Un habitant de Lestelle-Bétharram affirme, lui aussi, que les violences du groupe scolaire catholique « sont un secret de Polichinelle ».

« Vous imaginez bien que dans un secteur paysan comme celui-ci, les choses se savent et se relaient facilement » note Pierre*.

S’il n’a pas été lui-même scolarisé à Bétharram, il assure avoir « toujours eu de la peine pour les élèves qui y étaient envoyés, tant l’endroit était angoissant et réputé austère et violent ».

« C’était un peu un goulag français. Un établissement où tu dois marcher plus que droit sinon t’étais fichu », lance le jeune homme qui ne comprend pas que l’institution n’ait pas été contrôlée pendant 30 ans.

Il accuse les autorités d’avoir eu « une forme de silence complice en fermant les yeux et faisant comme si rien n’avait jamais existé alors que certaines personnes avaient déjà tenté de lancer l’alerte ».

La révélation du statut de victime de la fille de François Bayrou, intervient à travers la publication, jeudi, d’un livre du fondateur du collectif des victimes de Bétharram, Alain Esquerre, intitulé « Le silence de Bétharram ».

Pour l’heure, 200 plaintes ont été déposées auprès du parquet de Pau, par ce collectif constitué d’anciennes victimes.


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(*) Des pseudonymes ont été donnés par la rédaction aux témoins pour protéger leur identité.

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