États-Unis : Grève de la faim d'un professeur de l'université de Boston contre l'arrestation d'une étudiante turque
-Nathan Phillips proteste contre l'arrestation de Rumeysa Ozturk, dénonçant les atteintes à la liberté d'expression et aux droits constitutionnels, ainsi que le ciblage des voix pro-palestiniennes

Massachusetts
AA / Istanbul - Boston / Can Hasasu, Serife Cetin et Fatma Zehra Solmaz
Un professeur de l'Université de Boston a entamé une grève de la faim afin de dénoncer le musellement des voix dissidentes et le traitement injuste réservé à une étudiante turque placée en détention.
Nathan Phillips, spécialiste des sciences de l'environnement, a entamé sa grève de la faim le 15 avril, après que les administrateurs de l'université de Boston eurent retiré à plusieurs reprises une banderole arborant le slogan « Free Rumeysa » de la fenêtre de son bureau situé au quatrième étage du campus de l'université.
Avant d'afficher une dernière fois la banderole, Phillips a collé une note sur la porte de son bureau où l’on pouvait lire : « Si vous enlevez encore la banderole, j'entamerai une grève de la faim ».
Rumeysa Ozturk, l'étudiante à l'origine de la protestation, est titulaire d'une bourse Fulbright et candidate à un doctorat sur le développement de l'enfant à l'Université Tufts. Elle a été arrêtée le 25 mars par des agents masqués du Service de l'immigration et des douanes (ICE) devant sa résidence de Somerville, dans le Massachusetts, près de Boston.
Lorsque Phillips est retourné à son bureau le 15 avril et qu'il a constaté que la bannière avait été enlevée une fois de plus, il a donné suite à ce qu’il avait annoncé dans sa note et a entamé sa grève de la faim.
Pour éviter de perturber ses cours et ses devoirs académiques, il continue à s'hydrater, s'autorisant à boire du café non sucré et des tisanes, mais pas de nourriture.
Dans un entretien accordé à Anadolu depuis son bureau, Phillips a expliqué que sa décision avait été motivée par le retrait par l'université de la banderole « Free Rumeysa ».
Lors d'une réunion avec le doyen de la faculté des arts et des sciences, il lui a été expliqué que le retrait des banderoles affichant des messages à caractère politique des bâtiments du campus répondait à la politique de l'université.
** Violation des droits constitutionnels
Comme beaucoup d'autres personnes à Boston et dans tout le pays, Phillips s'est dit horrifié par la manière dont Rumeysa Ozturk a été interpellée, qu'il a comparée à un « enlèvement ».
Il a ajouté qu'il n'aurait jamais pensé vivre dans un pays où quelqu'un pourrait « disparaître » pour s'être exprimé dans un journal scolaire, ce qui constitue une violation flagrante de la Constitution des États-Unis.
Phillips a soutenu que l'arrestation de Rumeysa violait à la fois le premier amendement, qui protège la liberté de parole et d'expression, et le cinquième amendement, qui garantit une procédure équitable et légale. C'est d'ailleurs ce qui l'a incité à apposer la banderole « Free Rumeysa ».
Il a souligné que ce dont a été victime Rumeysa n'était pas seulement une atteinte à ses droits, mais aussi aux droits des autres, y compris les siens. Bien que sa protestation ait été déclenchée par la censure sur son propre campus, il considère qu'elle s'inscrit dans le cadre d'une lutte plus large contre les tentatives de suppression de la liberté de pensée dans les universités et dans l'ensemble du pays.
** Les allégations « d'antisémitisme » instrumentalisées pour faire taire les opinions pro-palestiniennes
S'agissant de l'antisémitisme, Phillips reconnaît qu'il existe un véritable antisémitisme et une haine antijuive, mais il affirme que ce terme a été instrumentalisé pour faire taire les opinions pro-palestiniennes et les critiques à l'égard d'Israël.
Même lors de l'invasion de l'Irak par les États-Unis en 2003, les gens ont pu s'opposer publiquement à la guerre, ce qu'il considère comme une véritable manifestation de la liberté d'expression. Critiquer les politiques israéliennes, en particulier ce qu'il décrit comme une violence aveugle et une punition collective des Palestiniens de Gaza menée par le Premier ministre Benyamin Netanyahu, n'est pas synonyme d'antisémitisme.
** Le traitement réservé aux étudiants étrangers est révoltant
Phillips a déclaré que cela lui brisait le cœur de voir des étudiants internationaux traités de manière injuste, avec des visas révoqués sans explication. Bien que le nombre d'étudiants concernés n'ait pas été rendu public, il a indiqué que plusieurs étudiants de son université avaient déjà perdu leur visa, une tendance observée dans tout le pays au cours des dernières semaines.
Il a dénoncé le climat de peur et d'anxiété qui se répand dans les universités du pays et l'a qualifié de très préoccupant.
Sur la porte de sa chambre, Phillips a accroché des portraits de Rumeysa Ozturk et de Mahmoud Khalil de l'université de Columbia - un jeune diplômé que les États-Unis tentent d'expulser - et dit qu'il attend avec impatience le jour où il pourra à nouveau afficher librement la banderole « Free Rumeysa » sur sa fenêtre.
Tant que son état de santé le permettra, il a déclaré qu'il poursuivrait sa grève de la faim jusqu'à ce que Rumeysa Ozturk ainsi que Mahmoud Khalil et Mohsen Mahdawi de Columbia - tous deux visés en raison de leur soutien à la Palestine - soient libérés.
Phillips avait déjà mené deux grèves de la faim distinctes près de Boston pour protester contre des problèmes environnementaux locaux, l'une durant 14 jours, l'autre sept.
Le juge William Sessions du tribunal de district des États-Unis a statué, vendredi, que Rumeysa Ozturk avait présenté des « preuves significatives » à l'appui des allégations selon lesquelles sa détention avait violé sa liberté d'expression et ses droits à une procédure régulière, selon de nombreux organes de presse.
« Ses preuves appuient son argument selon lequel la motivation du gouvernement pour sa détention est de la punir pour avoir co-rédigé un article dans un journal du campus qui critiquait l'administration de l'université Tufts et de décourager l'expression politique d'autres personnes », a déclaré Sessions.
Et le juge d’ajouter : « Le gouvernement n'a jusqu'à présent apporté aucune preuve permettant de justifier la détention de Mme Ozturk par une autre motivation ou un autre objectif licite ».
Le juge Sessions a fixé au 1er mai le délai pour que le gouvernement transfère Ozturk dans le Vermont. Une audience sur sa caution est prévue dans cet État le 9 mai et une audience relative à son affaire le 22 mai.
*Traduit de l’Anglais par Mourad Belhaj
Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.