15 mars : la Journée internationale contre l’islamophobie souligne les tensions en France
– Entre statistiques alarmantes, discours polarisés et mobilisations, la Journée internationale contre l’islamophobie met en aussi en lumière des fractures de la société française.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Le 15 mars marque la Journée internationale contre l’islamophobie, instaurée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2022. Cette date a été choisie en mémoire de l’attentat contre deux mosquées de Christchurch en Nouvelle-Zélande en 2019, qui avait fait 51 morts. L’objectif de cette journée est de sensibiliser à la montée des discriminations envers les musulmans et de promouvoir une culture de tolérance et de paix.
En France, cette commémoration intervient dans un contexte de tensions accrues autour des questions religieuses et identitaires. Depuis plusieurs années, l’islamophobie est dénoncée par de nombreux observateurs comme un phénomène structurel, renforcé par des décisions politiques et des discours médiatiques polarisants.
- Des chiffres qui interpellent
L’islamophobie en France s’inscrit dans une dynamique de longue date, liée à des tensions historiques et politiques. D’après le Collectif Contre l’Islamophobie en Europe (CCIE), la France a enregistré 828 actes islamophobes en 2023, soit une augmentation de 57 % par rapport à 2022. Ces incidents incluent des discriminations (779 cas), du harcèlement moral (237 cas) et des agressions physiques (23 cas).
En parallèle, le ministère de l’Intérieur a indiqué une hausse de 30 % des actes antimusulmans en 2023, une augmentation particulièrement marquée dans le contexte de la guerre en Palestine.
Depuis 2015, au moins 33 mosquées ont été la cible d’incendies criminels en France, selon un recensement de Politis. Ces attaques témoignent d’un climat de violence croissante envers les lieux de culte musulmans.
- Des voix qui alertent sur les réseaux sociaux
Les réseaux sociaux, notamment X (ex-Twitter), sont devenus un espace de témoignages et de dénonciations. Plusieurs personnalités engagées ont pris la parole pour alerter sur l’ampleur du phénomène en mars 2025.
Le député LFI Thomas Portes a déclaré le 11 mars : « Oui en France l’islamophobie existe et elle est encouragée au plus haut niveau de l’État ! Nous ne baisserons jamais la tête ! »
Pour sa part, la militante antiraciste Sihame Assbague a dénoncé les « Mosquées incendiées, agressions racistes, lois contre les femmes voilées, procès & expulsions d’imams, fermetures de mosquées, l’acharnement judiciaire, médiatique, etc. » ajoutant que « L’islamophobie est l’une des PIÈCES CENTRALES de la fascisation. »
Pour sa part, l'eurodéputée Rima Hassan a évoqué les « Menaces de mort par dizaines et une véritable cabale politique et médiatique sur fond de racisme anti-palestinien (qu’il est temps de nommer) et d’islamophobie institutionnalisée à la moindre opinion exprimée ».
Ces prises de parole traduisent un malaise profond au sein d’une partie de la société française, qui perçoit une hostilité systémique à l’égard des musulmans et des défenseurs de leurs droits.
- Un phénomène enraciné dans le débat public
L’islamophobie en France ne date pas d’hier. Selon le sociologue Vincent Geisser, auteur de La Nouvelle Islamophobie (2003), elle repose sur un contentieux historique hérité de la colonisation et de la perception de l’Islam comme une menace intérieure et extérieure.
Depuis les attentats de 2015 en France, ce climat s’est accentué, nourri par des événements comme l’adoption de la loi contre le séparatisme en 2021 ou encore l’interdiction des abayas dans les écoles en 2023 sous l’impulsion de Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation. Ces décisions politiques, au motif douteux d'une défense de la laïcité, sont perçues par une partie de la population comme une stigmatisation croissante de l’Islam en France.
- Des manifestations prévues dans plusieurs villes
À l’occasion de la Journée internationale contre l’islamophobie, plusieurs mobilisations sont prévues en France. Des manifestations se tiendront notamment à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Amiens, Saint-Étienne et Blois, organisées par des associations et collectifs engagés contre les violences racistes, xénophobes et islamophobes.
Les revendications principales portent notamment sur une meilleure reconnaissance du phénomène islamophobe par les autorités françaises, des sanctions renforcées contre les discours et actes de haine visant les musulmans, une meilleure protection des lieux de culte face aux agressions, ainsi qu'une révision des lois et mesures jugées discriminatoires, comme la loi sur le séparatisme.
- Vers une prise de conscience ou une société toujours divisée ?
Si la Journée internationale contre l’islamophobie vise à sensibiliser et à favoriser le dialogue, elle révèle aussi certaines fractures profondes qui traversent la société française.
D’un côté, des chercheurs et militants comme Taha Bouhafs ou Marwan Mohammed dénoncent une « fabrique du musulman comme ennemi intérieur », alimentée par un discours politique et médiatique hostile.
De l’autre, des essayistes comme Pascal Bruckner contestent l’usage du mot « islamophobie », y voyant une tentative de censure des critiques de l’islam en tant que religion.
Entre ces deux visions opposées, une large partie de la population oscille, influencée par un climat médiatique et politique où l’Islam est souvent essentialisé.
Alors que le monde commémore les victimes de Christchurch, la France est confrontée à une question essentielle : est-elle prête à reconnaître et combattre l’islamophobie, ou restera-t-elle enfermée dans ses fractures idéologiques ?
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