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Accords d’Evian : Le document qui a mis fin à l'illusion coloniale de "l'Algérie française"

Ekip  | 18.03.2022 - Mıse À Jour : 18.03.2022
Accords d’Evian : Le document qui a mis fin à l'illusion coloniale de "l'Algérie française"

Algeria

AA/Algérie/Aksil Ouali

18 mars 1962. Il était 17h40, lorsque la délégation du Front de libération nationale (FLN) conduite par Krim Belkacem, l'un des premiers maquisards Algérien, et les représentants du gouvernement français ont paraphé un document historique : les accords d'Evian, qui ont décrété un cessez-le-feu dès le lendemain, 19 mars à midi. 130 ans après l'invasion du pays, un certain 5 juillet 1830, dont 7 ans d'une violente guerre, déclenchée le 1er novembre 1954, les accords interviennent également pour enterrer définitivement l'illusion coloniale de "l'Algérie française". Célébré comme une fête de la victoire en Algérie, l'événement continue, 60 ans après, de faire parler de lui des deux côtés de la Méditerranée.

Pourquoi ? Comment cet événement a-t-il pesé sur le cours de l’histoire ? Dans quel contexte ces accords ont-ils été signés ? Il y a d’abord un fait : La reconnaissance, pour la première fois depuis le début de la guerre, du FLN comme représentant du peuple algérien par le pouvoir du général De Gaulle, dont le retour à tête de l’Etat français en 1958 était, notamment grâce à au coup de pouce des pieds noirs et des généraux français en Algérie qui veulent garder cette colonie dans le giron de la France.

Ils se sont sentis, d’ailleurs, trahis par celui en qui ils ont placé tous leurs espoirs. Les premiers contacts entre les représentants du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et ceux de l’Etat français ont commencé, deux ans auparavant. Négociés secrètement aux Rousses, près de la frontière suisse, les accords ont finalement été signés le 18 mars 1962 à Evian-les-Bains en France. La première clause porte sur le cessez-le-feu, entré en vigueur, dès le lendemain à midi.

---« Victoire diplomatique pour le FLN »---

La signature de ces accords a été, comme le souligne l’historien français, Benjamin Stora, le fruit d’une « victoire sur le plan diplomatique du FLN ». «La France a décidé d’en finir avec l’Algérie française, les Algériens n’ayant pas pu être éliminés politiquement. La France était condamnée sur le plan international par l’ONU qui avait reconnu le droit à l’indépendance de l’Algérie. De plus, un mouvement de décolonisation existait à l’échelle mondiale, ce qui poussait la France à accepter cette indépendance. Enfin, le général de Gaulle voulait se tourner vers d’autres objectifs, en particulier l’Europe », précise-t-il dans une interview à Afrik.com en 2018.

Ayant participé aux négociations en qualité de secrétaire général du GPRA, l’historien algérien Mohamed Harbi affirme « qu’on oublie, quand on évoque les accords d’Evian, le contexte de l’époque ».

« Nous étions face à des problèmes militaires que nous n’avions pas les moyens de résoudre, mais nous avons réussi, aux plans politique et diplomatique, à fragiliser la position de la France qui, par ailleurs, affrontait une sédition. Le compromis d’Evian reflète cette situation. Le GPRA a honoré les revendications exprimées dans l’appel du 1er novembre. Il n’a pas cédé sur la question du Sahara. Il a fait reconnaître le principe de la réforme agraire. Reste que la place des questions économiques était secondaire», résume-t-il dans une de ses nombreuses interviews accordées à différents médias algériens.

L’Algérie, affirme dans une déclaration à Anadolu, l’historien algérien, Rabah Lounici, « est sortie gagnante des Accords d’Evian ».

« Ces derniers ont réalisé l’objectif tracé par la déclaration du 1er novembre (texte annoncé le début de la guerre de libération) et du congrès de la Soummam (congrès d’organisation de la révolution tenu, le 20 août 1956 en Kabylie). Ils ont respecté l’unité du peuple et du territoire algérien », précise-t-il. Selon lui, les négociateurs algériens « ont fait preuve d’intelligence en maintenant la base militaire française de Mers el-Kébir (à l’Ouest du pays) pour gagner la confiance de l’occident, en pleine guerre froide ».

---Des avantages économiques cédés à la France---

Ce qui a fait grincer les dents de certains dirigeants de la révolution, c’est les avantages économiques cédés à la France, dont l’exploitation des ressources pétrolières au Sahara algérien. « Même s’il n’y avait pas ces avantages, l’Algérie serait incapable de faire fonctionner les installations pétrolières. Elle ne disposait pas de cadre et de compétence nécessaires », indique notre interlocuteur.

Mais ces accords ont failli être tués dans l’œuf. Et pour cause, la réaction de la population d’origine européenne, celles des généraux français qui ont tenté de tenir tête à De Gaulle et particulièrement l’attitude de l’organisation armée secrète (OAS), constituée de colons français qui veulent que l’Algérie reste française ad vitam æternam.

« Ces accords reposaient sur un pari : la cohabitation entre deux communautés sous l’autorité d’un État multiculturel. Il n’a pas été tenu. Le premier coup a été porté par l’OAS, les Wilayas ont fait le reste. C’est ce qui a fait dire à Jean-Marcel Jeanneney, premier ambassadeur de France en Algérie : « Si les choses se sont mal passées, ce n’est ni la faute du gouvernement français ni des Algériens… » Aucun des deux interlocuteurs d’Evian ne maîtrisait son propre camp », explique encore Mohamed Harbi, qui a été aussi témoin des tueries commises par l’OAS et de la guerre fratricide pour le contrôle du pouvoir opposant des chefs de la guerre de libération.

Outre l'OAS et les luttes de leadership inter-algériens, certains accusent la délégation du GPRA d'avoir signé des clauses secrètes, notamment sur les essais nucléaires français au Sahara.

"Faux", affirme dans une déclaration à AA l'historien algérien, Amer Mohand Amer, qui précise que "tout est dit dans le texte des accords".

"Il faudrait les lire et bien les analyses, ce que beaucoup ne le font pas, d'où ces affirmations qui n'ont rien à voir avec la réalité. A titre d'exemple, l'article 4 : La France utilisera pour une durée de cinq ans les sites comprenant les installations d'ln Ekker, Reggane et de l'ensemble de Colomb-Béchar-Hamaguir, dont le périmètre est délimité dans le plan annexé, ainsi que les stations techniques de localisation correspondantes. Les mesures temporaires que comporte le fonctionnement des installations à l'extérieur de celles-ci, notamment en matière de circulation terrestre et aérienne, seront prises par les services français en accord avec les autorités algériennes après l'indépendance".

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