Brésil: Lula, attaqué par des milices d’extrême droite dans le Sud
-Des groupes d’extrême-droite s'en sont pris à l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva et sa caravane pour les Présidentielles, actuellement en tournée dans le Sud du pays
Rio Grande do Sul
AA/Rio de Janeiro/Kakie Roubaud
Deux impacts de balles dans le bus de la presse qui suit l’ex-président brésilien Lula... Les photos étaient publiées mercredi dans la presse pour qu’il n’y ait aucun doute… C’est le dernier
épisode d’une escalade de la violence par des groupes d’extrême-droite contre l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva et sa caravane pour les Présidentielles actuellement en tournée dans le Sud.
La veille, Dilma Rousseff, présidente du Brésil de 2011 à 2016, l’ambassadeur Celso Amorim ainsi que la direction du Parti des Travailleurs étaient montés au créneau pour alerter la communauté internationale sur les violences physiques dont sont victimes depuis le 19 mars dernier, les militants de gauche et supporters de la Caravane Lula poursuivis par des milices armées.
«Quand on plante la haine et l’intolérance, on recueille la violence. C’est ce qui s’est passé dans tous les endroits du monde où l’extrême-droite s’est installée» ont-ils commenté.
Cette caravane a parcouru 14 villes de la région Sud, une région traditionnellement blanche et riche de grandes entreprises agricoles fondées au XIXème siècle par les immigrés italiens et allemands. L’accueil n’y a pas été aussi chaleureux et tranquille que lors des précédentes tournées triomphales du charismatique leader dans 9 états du Nordeste, Minas Gerias, Espirito Santos et Rio de Janeiro.
Dimanche 26 mars, les trois bus de l’ex-président Lula (2003-2010) ont été reçus sous des jets d’ œufs et de pierre à Sao Miguel do Oeste, une ville de 30 000 habitants proche des
célèbres Foz d’Iguaçu.
Le grand favori aux prochaines Présidentielles crédité de 35% des intentions de vote y était attendu pour une allocution publique. Des images sur tweeter montrent cinquante adultes blancs visant les pare-brises avec des pierres aux cris de «Lula, voleur, ta place est en prison».
Dans la ville de Bagé, 120 000 habitants à 60 kilomètres de l’Uruguay, des tracteurs, des camions et des machines agricoles avaient bloqué l’accès du Campus de la Pampa. Ce Campus est l’une des 15 universités fédérales crées en 2008 par Lula dans les régions isolées pour permettre à tous, l’accès à un enseignement supérieur gratuit et de qualité.
« Un pays comme le Brésil ne peut pas éternellement vendre du soja. Le Brésil veut aussi vendre de l’intelligence» aurait commenté Lula aux étudiants, selon le magazine Veja.
« C’est pour cette raison que je suis en visite dans votre Université», avait-il encore dit.
Divers projectiles dont des bâtons, des pierres et des explosifs ont été jetés contre les bus racontent les organisateurs. Des hommes à cheval, armés de fusils et de chaines ont agressé à coups de fouet les supporters qui attendaient l’ex-président.
Une vitre du bus de Lula a été brisée ainsi qu’un pare-brise, mettant en péril la vie des passagers.
Le lendemain, une milice de 200 hommes a envahi le campus de Santa Maria et commis de nouvelles exactions. Les professeurs et les étudiants rassemblés dans l’attente de Lula
ont été frappés à coup de fouets, de pierres et de cannes de bambou.
«La Brigade Militaire entrée dans le campus pour séparer les deux groupes s’est retournée contre les étudiants» indique le service de presse du PT.
A Sao Borja, dans le Rio Grande do Sul, ces milices d’extrême droite ont monté un barrage de machines agricoles pour interdire l’accès principal à la ville. Fondée par les missions jésuites du XVIIème siècle, Sao Borja est la ville natale des ex-présidents «travaillistes» Getulio Vargas - qui s’est suicidé en 1945- et Joao Goulart - renversé, lui, par le coup d’État des Militaires en 1964.
Lula avait prévu de se recueillir sur leurs tombes et il a finalement pu le faire avec trois heures de retard.
Les miliciens qui attendaient la caravane de l’ex-président avaient des barres à mines, des explosifs et des armes à feu, dénoncent les membres de la Caravane. Ils ont été identifiés
comme des sympathisants du MBL (Mouvement Brésil Libre), un groupuscule d’extrême-droite né dans la mouvance des manifestations de 2013 et devenue l’une des chevilles ouvrières des mobilisations pro- destitution de Dilma Rousseff en 2016.
A l’époque son leader formé selon des analystes politiques, à l’école de Students for Liberty crée aux Etats-Unis en 2008 pour promouvoir l’ultra-libéralisme et le libre-échangisme, avait déclaré: «Il ne faut pas se contenter de faire saigner le PT. Il faut lui mettre une balle dans la tête».
Deux militants ont été blessés dont un religieux grièvement à l’oeil ainsi que des femmes supporters.
«Les attentats du Sud sont orchestrés et encouragés par les secteurs les plus rétrogrades de notre société. Plutôt que de manifester démocratiquement, ils veulent interdire et faire
taire par la force, le leader le plus populaire du pays» s’est indigné le Parti des Travailleurs..
Des agressions similaires ont eu lieu à Entre- Ijuis, Cruz Alta, Passo Fundo et Chapeco, la ville qui a perdu son équipe de foot dans un tragique accident d’avion il y a deux ans.
Avec ce dernier épisode de coups de feu en bord de route, alors que le convoi sortait de Quedas do Iguaçu. Mais les pressions n’étaient pas seulement dans la rue. Dans deux
villes, les procureurs de la république ont menacé les recteurs d’université, d’inconduite administrative, s’ils osaient recevoir Lula.
L’ex-président est sous le coup d’une condamnation pour corruption passive et blanchiment d’argent qui clive la pays en deux camps ennemis. Il a été condamné le 24 janvier dernier à 12 ans et un mois de prison mais il crie au complot et clame son innocence.
La justice lui a accordé un sauf-conduit jusqu’au 4 avril prochain et la Cour Suprême doit décider si elle lui accorde ou pas un Habeas Corpus. Mais sa mise sous les verrous paraît
inévitable !
En attendant, le Parti des Travailleurs et une grande partie de la population continuent de croire au candidat le plus populaire de l’Amérique Latine. Lula se présentera même s’il va
en prison: «Si mes opposants veulent gagner, qu'ils le fassent dans les urnes et pas avec des magouilles».
La Caravane doit arriver ce mercredi à Curitiba, ville du juge Morro qui a condamné Lula. Aucune escorte policière n’est prévue et la tension est à son maximum...
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