France : L'Assemblée nationale a voté une proposition mensongère sur l'Azerbaïdjan et la Turquie
- La "Proposition de résolution sur la protection du peuple arménien et des communautés chrétiennes d'Europe et d'Orient" a été adoptée jeudi en séance plénière de l'Assemblée nationale française
Ankara
AA / Paris / Ümit Dönmez
L'Assemblée nationale française a voté jeudi en faveur d'une proposition de résolution nourrie de mensonges sur l'Azerbaïdjan et la Turquie.
Parmi les 207 législateurs ayant pris part au scrutin public sur un nombre total de 577 députés, 188 ont voté en faveur de la "Proposition de résolution sur la protection du peuple arménien et des communautés chrétiennes d'Europe et d'Orient". 16 Députés se sont abstenus alors que trois députés ont voté contre la proposition déposée par le groupe Les Républicains.
Le texte, sans portée législative et parsemé de contre-vérités, affirme comme priorité « l’urgente nécessité d’aboutir à un règlement définitif du conflit garantissant la sécurité durable des populations civiles affectées et la mise en œuvre d’un processus de paix et de reconnaissance du Haut-Karabakh ».
- Une série de mensonges sur l'Azerbaïdjan et la Turquie
Le texte proposé jeudi à l'Assemblée nationale française par des députés connus pour leur proximité avec les milieux nationalistes arméniens de France, constituait dans l'essence une juxtaposition de propos calomnieux envers l'Azerbaïdjan et la Turquie.
Malgré les déclarations récentes du Président russe Vladimir Poutine démentant de telles allégations, ainsi que l'absence de toute preuve pouvant soutenir celles-ci, les auteurs du texte n'ont pas hésité à diffamer l'Azerbaïdjan indûment accusé d'avoir utilisé des mercenaires dans la guerre de 44 jours ayant pris place dans le Haut-Karabagh, un territoire azerbaïdjanais occupé jusqu'à récemment par les forces arméniennes.
Calomniant également la Turquie qui selon leurs affirmations aurait joué un rôle dans la présence de ces prétendus "mercenaires issus des organisations terroristes et criminelles", les auteurs du texte ne font pourtant aucune référence à la présence démontrée de terroristes du PKK/YPG combattant aux côtés des soldats arméniens.
Le Député Jérôme Lambert, présent lors de la séance plénière et ayant voté contre la proposition de résolution, a signalé jeudi sur le réseau social « Twitter », que l’application du règlement de l’Assemblée avait interdit l’expression de toute opposition au texte de la résolution :
"Toutes les expressions autorisées cet après-midi étaient favorables à la résolution de la droite. Aucun opposant n’a pu s’exprimer ! Belle démonstration à l’Assemblée nationale de la liberté d’expression ! Tous les mensonges ont été entendus", a notamment tweeté l'élu de Charente.
Mercredi, au cours de l'Audition (conduite par la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale sur la situation du Haut-Karabagh) de Rahman Mustafayev, Ambassadeur d’Azerbaïdjan en France, le Député Jean-Luc Reitzer avait également fait état d'une propagande mensongère, l'élu ajoutant "que dans nos médias, on entend trop peu les positions prises par l'Azerbaïdjan, pour expliquer le pourquoi de la situation que nous connaissons aujourd'hui".
L'ambassadeur azerbaïdjanais avait également rappelé que les renseignements azerbaïdjanais avait prouvé et documenté la présence de 328 mercenaires étrangers combattant parmi les forces armées arméniennes, dont 14 mercenaires français :
"Nous avons répété, à plusieurs reprises, que nous n’avions jamais fait appel à des djihadistes. Notre président a dénoncé ces accusations comme injustes et irréalistes et demandé de lui adresser les preuves de la présence d’éventuels djihadistes ou de s’excuser devant le peuple azerbaïdjanais. Aucune preuve ni excuses n’ont été apportées. Par contre, contrairement aux renseignements français qui ne nous ont montré aucune preuve, les renseignements azerbaïdjanais ont élaboré un rapport de 49 pages dans lequel vous pourrez trouver la preuve de la présence de 328 mercenaires étrangers dans les forces armées arméniennes : noms et prénoms des combattants, cartes d’identité, pays d’origine et même numéros de portable", notait Rahman Mustafayev.
Et l'ambassadeur d'ajouter : "Vous trouverez, dans la page 28 de ce document, les noms de 14 mercenaires français, la majorité étant d’origine arménienne, qui combattaient dans les rangs des forces armées arméniennes. Nous avons saisi les autorités judiciaires françaises en vue de l'ouverture d'une enquête sur les crimes de guerre et exactions commis par des mercenaires français. Nous l'avons fait sur la base du Code pénal, dont l'article 436 punit des actions de "toute personnes spécialement recrutée pour porter atteinte a l'intégrité territorial d'un Etat".
Comme l'avait rapporté l'Agence Anadolu (AA), l'ambassade d'Azerbaïdjan à Paris avait annoncé le vendredi 20 novembre, avoir demandé des enquêtes à la Justice française, sur les crimes de guerre commis par des citoyens français dans les territoires azerbaïdjanais [1].
Au cours son audition mercredi, l'Ambassadeur d’Azerbaïdjan en France avait également rappelé que l’éventuel rôle de la Turquie dans la Guerre du Haut-Karabagh avait été fortement débattu par les élus et les médias, l'ambassadeur apportant des précisions sur la question :
"La Turquie nous a beaucoup soutenu diplomatiquement, politiquement, c'était un énorme soutien moral pour l'Azerbaïdjan esseulé dans l'arène internationale", notait Mustafayev avant d'ajouter que "la Turquie a bien joué son rôle de puissance régionale avec la Russie" en vue d'apporter une solution au conflit opposant l'Arménie à l'Azerbaïdjan.
"C'est grâce au Président russe Vladimir Poutine et au Président turc, Recep Tayyip Erdogan qui ont bien joué leur rôle de calmer la situation, et d'apporter une solution et une fin à cette guerre de 44 jours", notait encore Mustafayev.
- Le mensonge d'une "tentative d'éradication des populations arméniennes et chrétiennes"
Le texte voté jeudi à l'Assemblée nationale en l'absence de la majorité des députés mais aussi d'un débat contradictoire cite également comme motif le mensonge d'une "tentative d'éradication des populations arméniennes et [...] chrétiennes" par Bakou, "en raison de leur seule appartenance à un peuple et de leur religion".
La question du respect des minorités par Bakou mais également par Erevan, avait été largement étudiée au cours de l'audition de l'ambassadeur Mustafayev, mercredi, ainsi que l'affirmation selon laquelle "une guerre des civilisation" prendrait place dans les territoires azerbaïdjanais occupés jusqu'à peu par les soldats et colons arméniens.
La Députée des Hauts-de-Seine, Frédérique Dumas soulignait son inquiétude sur la déformation des faits concernant la guerre du Haut-Karabagh :
"Mais ce qui est inquiétant maintenant, c'est que le conflit se reporte sur un conflit dit culturaire. On souffle indirectement sur les braises d'une guerre qu'on voudrait maintenant de civilisation et qui se jouerait sur le territoire azerbaïdjanais, chrétiens contre musulmans", notait Dumas.
"L'Azerbaïdjan est pris en otage par la diplomatie française. Les conflits sont instrumentalisés pour mieux nourrir le différend avec la Turquie [...] à un moment où la France a décidé de mettre en scène son bras de fer avec la Turquie", soulignait encore l'élue des Hauts-de-Seine, en référence à la rhétorique agressive voire hostile adoptée par l'exécutif français à l'encontre d'Ankara, depuis environ un an.
"Pourtant le Grand Rabbin d'Azerbaïdjan l'a rappelé : l'Azerbaïdjan est un pays riche de son melting pot, au croisement des cultures et des religions, une oasis de préservation culturelle dans une région du monde marquée par les divisions ethniques et les violences religieuses", soulignait encore Dumas.
"C'est donc bien à ce modèle qu'il faut faire confiance et qu'il vient de défendre et non de combattre. Les preuves sont concrètes : l'église arménienne du centre-ville de Bakou est actuellement en restauration, et l'Azerbaïdjan, au travers de la Fondation Heydar Aliyev, participe à la restauration d'églises à l'étranger, notamment en France", notait encore la Députée témoignant sa "compréhension [de] la difficulté à entendre ce qui à vos yeux [Monsieur l'Ambassadeur d'Azerbaïdjan, Rahman Mustafayev] apparaît donc comme un procès d'intention".
Interrogé mercredi sur l'éventuelle véracité d'une "thèse du choc des civilisations", notamment entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, Mustafayev a déclaré en effet constater un "choc des civilisations" :
"Mais quelles civilisations ? Il faut le préciser", notait l'ambassadeur azerbaïdjanais au cours de l'audition, avant d'apporter des précisions :
"Ce n'est pas islam contre chrétienté, ou l'inverse, la chrétienté contre l'islam. Il y a un vrai choc entre la civilisation de la haine et du chauvinisme arménien d'un côté, et la civilisation de tolérance et de laïcité azerbaïdjanaise, de l'autre. Nous [l'Azerbaïdjan] sommes une république laïque depuis 1918, La première dans le monde musulman", expliquait Mustafayev avant de préciser que son pays a reconnu le droit de vote des femmes en juillet 1919, soit 26 ans avant la France.
"Notre Constitution consacre à plusieurs reprises la sécularité de nos institutions. Les confessions et minorités ethniques sont égales en droit". Les musulmans chiites et sunnites, catholiques et orthodoxes, protestants, juifs des montagnes et ashkénazes vivent en paix et en harmonie. Ils célèbrent leurs fêtes ensemble. En fait, c'est grâce a cette unité, solidarité ethnique, que nous avons gagné la guerre", notait encore Rahman Mustafayev.
L'Ambassadeur a également souligné qu'avant la chute de l’Union soviétique, la région du Haut-Karabagh dans le cadre de l’Azerbaïdjan était une région prospère, et que le revenu par habitant était supérieur de celui de l’Azerbaïdjan et de l'Arménie :
"C'était une région multiethnique et multiconfessionnelle et, selon un dernier recensement réalisé en 1989 avant le début du conflit, les Azerbaïdjanais y représentaient 22 % de la population, les Arméniens 74 %. Pas moins de 48 minorités ethniques et religieuses étaient présentes dans la région, parmi lesquelles des Russes, des Ukrainiens, des Biélorusses, des Moldaves, des Juifs, des Bulgares, des Hongrois, des Grecs, des Kurdes, des Allemands, des Polonais et des autres ethnies, qui représentaient près de 4 % de sa population. Donc, avant la proclamation de la soi-disant indépendance du territoire, l’armée séparatiste arménienne a chassé toutes ces minorités chrétiennes. Cela signifie que l'Azerbaïdjan musulman, tolérant, a bien préservé cette diversité culturelle, ethnique et confessionnelle de la région du Haut-Karabagh, mais l'Arménie chrétienne, chauvine l'a transformée en une grande caserne militaire mono-ethnique. Comme vous dites, « majoritairement, pour 95 % peuplée d'arméniens ». Mais je crois que c'est 100% », a noté Rahman Mustafayev avant de conclure :
« Donc aussi étrange que cela puisse vous paraitre, c'est l’Azerbaïdjan, mais pas l'Arménie, qui assume le rôle de bastion chrétien, de bastion de tolérance."
Un article récent de l'Agence Anadolu (AA) avait notamment fait d'état du nettoyage ethnique opéré par l'Arménie pendant la guerre l'ayant opposée à l'Azerbaïdjan de 1988 à 1994, mais également au cours de trois décennies d'occupation et de colonisation du Haut-Karabagh et de sept autres régions azerbaïdjanaises : ainsi que du pillage, et de la destruction d'une partie importante du riche patrimoine culturel azerbaïdjanais, en violation directe des Conventions de Genève de 1949. [2]
- Position de l'exécutif français sur ce vote
Le Ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, présent en séance plénière jeudi lors du vote sur la proposition de résolution, a déclaré ne "pas partager" cette demande de reconnaissance d'une prétendue indépendance de la région du Haut-Karabagh, et a souligné que "nos amis arméniens ne le demandent pas eux-mêmes".
Notant que si le Gouvernement français venait à prendre une telle décision, le chef de la Diplomatie française a souligné que cela "reviendrait à nous exclure nous-mêmes de la coprésidence du groupe de Minsk" constituée de la France, des États-Unis et de la Russie, et visant à apporter une solution au conflit arméno-azerbaïdjanais.
Le Drian a ajouté qu'une telle décision de l'exécutif français reviendrait à "renoncer à notre rôle de médiateur", dans le conflit du Haut-Karabagh.
Lors de son audition devant la Commission des Affaires étrangères, Rahman Mustafayev avait rappelé la décision récente Milli Mejlis, le parlement azerbaïdjanais appelant le gouvernement azerbaïdjanais à demander à l'OSCE de retirer la France de la coprésidence du Groupe de Minsk de l'OSCE ainsi qu'à reconsidérer en profondeur les relations politiques et économiques avec la France.
L'ambassadeur avait noté qu'il s'agissait d'une "décision qui reflète des sentiments de forte protestation régnant dans la société azerbaïdjanaise parce que la France a bel et bien montré qu'elle n'est pas impartiale ; la France est clairement engagée en faveur de l'Arménie, avait-il déploré.
"Les résolutions votées et adoptées au Sénat et prochainement [débattue] à l'Assemblée nationale française ne sont pas des actes d'impartialité, de neutralité. La France n'a clairement pas fait preuve d'impartialité dans le conflit [du Haut-Karabagh]", ajoutait l’ambassadeur avant d'exprimer la volonté azerbaïdjanaise pour la France de garder un rôle dans les médiations, si elle prouve son impartialité :
"L'Azerbaïdjan préférerait que la France continue d'assumer son rôle de médiatrice objective et impartiale à travers le Groupe de Minsk. La France envoie des cargos d'aide à l'Arménie. Mais malheureusement, pendant 30 ans, nous n'avons pas vu de telles aides en faveur de l'Azerbaïdjan. Nous avons 750 000 déplacés, réfugiés internes azerbaïdjanais. Cela constitue donc un déséquilibre dans la position française", avait estimé Rahman Mustafayev faisant état de risques réels quant à la crédibilité de la France sur la scène internationale :
"J'aimerais bien que la France qui aujourd'hui co-préside le Groupe de Minsk continue ce rôle de médiatrice mais de médiatrice [qui soit] objective, impartiale, parce que si la France n'est pas impartiale, sa voix ne sera pas écoutée dans la région", avait notamment déclaré l'Ambassadeur d'Azerbaïdjan aux députés français.
Notes :
[1] Bakou demande des enquêtes sur les crimes de guerre commis par des Français en Azerbaïdjan - Agence Anadolu
[2] Trois décennies et 44 jours de violations des Conventions de Genève et de La Haye par l'Arménie