Politique, Monde

Gaza : L'université islamique transformée en abri pour les déplacés

- L'université, reconnue mondialement pour son éducation et sa recherche, est aujourd'hui en ruines après 16 mois de bombardements israéliens. Ses bâtiments dévastés abritent désormais les déplacés fuyant la destruction.

Nour Mahd Ali Abuaisha  | 24.03.2025 - Mıse À Jour : 26.03.2025
Gaza : L'université islamique transformée en abri pour les déplacés

Gazze

AA / Gaza / Nour Mahd Ali Abuaisha

Gaza : L’université islamique, de haut lieu du savoir à refuge pour les déplacés

Parmi les bâtiments détruits de l’université islamique de Gaza, autrefois le plus grand établissement d’enseignement supérieur de l’enclave, des Palestiniens déplacés s’affairent à installer leurs tentes. Chassés une nouvelle fois par l’armée israélienne, ils fuient la reprise de la guerre qualifiée de génocidaire, entamée le 7 octobre 2023.

L’université, qui avait acquis une reconnaissance académique mondiale et arabe en tant que centre d’éducation et de recherche, est aujourd’hui en ruines après 16 mois de bombardements israéliens. Ses bâtiments dévastés servent désormais d’abri aux déplacés ayant fui la destruction.

Certains d’entre eux ont choisi d’installer leurs tentes au sein des bâtiments éventrés, entre des murs fissurés et des plafonds menaçant de s’effondrer, espérant ainsi se protéger des vents et des pluies hivernales malgré le risque constant d’un effondrement.

Les livres et archives de l’université, autrefois symboles du savoir, sont désormais utilisés comme bois de chauffage par les déplacés, qui allument des feux pour cuire du pain et nourrir leurs enfants. La famine commence à s’installer dans la bande de Gaza, après qu’Israël a bloqué l’entrée de l’aide humanitaire et alimentaire depuis le 2 mars.

Un nouvel exode forcé

Les déplacés viennent de Beit Hanoun, une localité située à l’est de la province du nord de Gaza. L’armée israélienne leur a ordonné de partir immédiatement, menaçant de lancer une offensive majeure contre le mouvement Hamas, selon un communiqué publié mardi.

À Gaza et dans le nord de l’enclave, il ne reste presque plus aucun lieu où les déplacés peuvent se réfugier. L’armée israélienne a en effet repris le contrôle partiel du corridor de Netzarim, qui coupe la bande de Gaza en deux, et s’est redéployée sur la route Salah al-Din à l’est.

Les civils craignent désormais d’être attaqués s’ils tentent de passer par la route côtière Al-Rashid à l’ouest.

L’armée israélienne avait initialement créé ce corridor en octobre 2023, lors de son offensive terrestre, pour séparer le nord du sud de l’enclave. Elle s’en était retirée le 9 février dernier après un cessez-le-feu entré en vigueur le 19 janvier.

Avant cette trêve, la plupart des déplacés avaient trouvé refuge dans le centre et le sud de Gaza, notamment dans la région d’Al-Mawasi, une zone côtière s’étendant de Khan Younès à Deir al-Balah.

En janvier dernier, le bureau d’information du gouvernement de Gaza déclarait que depuis le 7 octobre 2023, l’armée israélienne avait détruit 88 % des infrastructures de l’enclave, y compris des bâtiments résidentiels, des institutions publiques et des réseaux d’eau et d’assainissement.

Aujourd’hui, les déplacés vivent dans des conditions extrêmement précaires. Ils ont été contraints d’abandonner les ruines de leurs maisons et leurs maigres possessions, alors que l’interdiction des importations de nourriture, d’eau et de carburant aggrave leur détresse.

"Nous avons fui le cœur brisé"

Medhat Al-Afifi, un déplacé palestinien, raconte à Anadolu qu’il a dû fuir Beit Hanoun après que l’armée israélienne l’a presque entièrement détruite lors des premières semaines de l’offensive.

« Nous avions commencé à nettoyer les décombres et à reconstruire ce qui restait pour essayer de reprendre une vie normale, mais l’armée nous a de nouveau forcés à partir », confie-t-il.

Il explique que la décision de fuir est devenue inévitable lorsqu’il a réalisé que la ville était devenue fantôme, vidée des enfants du même âge que les siens.

"D’une université à des ruines"

Medhat Al-Afifi s’est réfugié dans l’enceinte de l’université islamique, autrefois un haut lieu du savoir et de l’excellence académique.

« Ce qui était autrefois un établissement prestigieux formant médecins, ingénieurs et chercheurs est aujourd’hui un champ de ruines », déplore-t-il.

Décrivant la scène, il confie que les images diffusées dans les médias ne rendent pas justice à l’ampleur du désastre.

« Ce que montrent les caméras n’est qu’une infime partie de la réalité. Voir cela de ses propres yeux brise le cœur », ajoute-t-il.

Quant à la transformation de l’université en camp de fortune, il souligne que les déplacés n’avaient tout simplement nulle part ailleurs où aller.

Face à la reprise des bombardements, ils se retrouvent dans une situation économique dramatique, avec une flambée des prix et un accès quasi inexistant à l’aide humanitaire. Leur survie est chaque jour plus incertaine.

"Il n'y a plus d'éducation"

À l'intérieur des bâtiments bombardés, deux femmes sont assises près d’un feu qu’elles viennent d’allumer avec des morceaux de carton et des feuilles de papier. Elles y cuisent quelques pains, destinés à composer un maigre repas.

Anadolu a documenté l’ampleur des destructions qui ont défiguré les infrastructures de l’université, mettant en évidence des inscriptions en hébreu, laissées par les soldats israéliens lors de leur incursion et de l’occupation des lieux.

La famille de l’enseignant Mohamed Chamali a installé sa tente au sein d’un des bâtiments en ruines, prenant le risque d’un effondrement des murs fissurés et du plafond éventré.

"Nous avons nettoyé les gravats et les cendres des bombardements avant de monter notre tente", raconte-t-il.

"Les murs sont fissurés, les plafonds endommagés et tout peut s’écrouler à tout moment, mais nous n’avons pas d’autre choix, surtout sous cette pluie battante", explique-t-il.

Il appelle le monde arabe et musulman à prendre des mesures concrètes pour mettre fin à la guerre et soutenir les Palestiniens de Gaza.

Évoquant la transformation de l’université en refuge pour les déplacés, il déplore : "Malheureusement, à Gaza, il ne reste ni enseignement ni éducation. L’endroit est totalement détruit."

Destruction du secteur de l'éducation

En janvier dernier, le bureau d'information gouvernemental de Gaza a déclaré qu'Israël avait complètement détruit 137 écoles et universités, tandis que près de 357 écoles et universités ont subi des dégâts partiels.

Le ministère palestinien de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, dans un rapport sur les violations israéliennes contre l'éducation depuis le 7 octobre 2023 jusqu'au 21 janvier 2025, a précisé que la guerre génocidaire avait entièrement détruit plus de 51 bâtiments universitaires et partiellement endommagé 57 autres.

Le rapport indique également que près de 20 institutions d'enseignement supérieur ont subi des dommages considérables en raison des attaques israéliennes.

Avec la mise en place du cessez-le-feu, l'enseignement a officiellement repris à Gaza, aussi bien en présentiel qu'à distance. Cependant, la reprise des massacres a anéanti les espoirs des étudiants de poursuivre leur éducation.

Depuis la reprise des attaques israéliennes à Gaza dans la matinée du mardi, jusqu'au dimanche soir, Israël a tué 674 Palestiniens et blessé 1 233 autres, dont la majorité sont des femmes et des enfants, selon le ministère de la Santé de Gaza.

Cette escalade, qu'Israël a affirmé coordonner pleinement avec Washington, représente la plus grande violation du cessez-le-feu à Gaza. Israël a refusé de mettre en œuvre la seconde phase de l'accord après la fin de la première phase début mars.

Bien que le mouvement Hamas ait respecté les termes de l'accord, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a refusé de poursuivre la seconde phase, cédant aux pressions des extrémistes au sein de son gouvernement.

Avec un soutien total des États-Unis, Israël commet depuis le 7 octobre 2023 un génocide à Gaza, ayant fait plus de 162 000 morts et blessés parmi les Palestiniens, principalement des enfants et des femmes, et plus de 14 000 disparus.

* Traduit de l'arabe par Sanaa Amir

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.