Politique

L’escalade de la haine : un essayiste français brandit la menace nucléaire contre la Turquie

Tuncay Çakmak  | 17.09.2020 - Mıse À Jour : 18.09.2020
L’escalade de la haine : un essayiste français brandit la menace nucléaire contre la Turquie

Ankara

AA / Ankara / Tuncay Çakmak

En pleine tensions en Méditerranée orientale, opposant la Grèce, soutenue par la France, et la Turquie, l’essayiste français, Hadrien Desuin, dans un entretien au Figaro, menace indirectement la Turquie, rappelant que la France possède l’arme nucléaire.


Le journal Figaro Vox a publié, mardi, un entretien avec Hadrien Desuin, ancien élève de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr et de l'École des officiers de la Gendarmerie nationale, essayiste, et responsable des questions internationales à la fondation du pont-neuf, un Think-Tank qualifié de conservateur, concernant les tensions récentes en Méditerranée orientale et le rôle de la France.


Outre le fait d’apporter un soutien inconditionnel à la politique de la France sur ce dossier, pour lequel l'Elysée s’est mobilisé diplomatiquement, voire militairement avec l’envoi de Rafales dans la région en soutien à Athènes, l’essayiste a d’abord critiqué les approches de l’OTAN et de l’Union Européenne (UE), deux instances internationales "pas en mesure de s’opposer à la Turquie" selon lui.


Pour Desuin, la Turquie étant membre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), il ne faut pas attendre de celle-ci, qu’elle adopte une posture en opposition à la Turquie.


Quant à l’UE, elle serait encore moins apte à intervenir, puisqu’il n’a jamais existé de diplomatie européenne à proprement parler et que le seul objectif de la construction européenne "est de maintenir la puissance américaine sur son sol, justement pour ne plus jamais avoir à connaître ou faire la guerre".


"Hormis la France du général de Gaulle, les autres pays européens se sont mis d’accord pour déléguer leur direction politique et militaire à leur envahissant protecteur américain. L’impensée de l’Union européenne, c’est que les États-Unis puissent nous laisser à notre sort comme ils l’avaient fait en 1914 et en 1940. Or l’Amérique se lasse depuis des décennies d’assurer sa coûteuse tutelle en Europe", avance l’essayiste.


Hadrien Desuin, qui estime que cette crise met en lumière "qui sont nos vrais amis et sur qui on peut compter en cas de coup dur", critique aussi très sévèrement la position de Berlin, dans sa volonté de médiation, un choix qu’il qualifie de totalement inadapté dans la situation actuelle : "une position d’arbitre qui n’est d’aucune utilité dans ces moments de tensions extrêmes où l’Europe joue sa survie et sa crédibilité".


Et d’ajouter : "Au contraire, renvoyer dos à dos la France et la Turquie est un mauvais coup de la part de nos alliés allemands. Mais au moins cette crise permet-elle de reconnaître qui sont nos vrais amis et sur qui on peut compter en cas de coup dur".


Sa critique envers Berlin ne s’arrête pas là, il fait aussi référence à la forte population originaire de Turquie vivant en Allemagne : "L’Allemagne est depuis 1945, une puissance pacifiste et c’est heureux. Ne cherchons pas à tout prix à la remilitariser. Elle est malheureusement otage de sa forte minorité turque. Si d’aventure, elle s’alignait sur la diplomatie militaire française, Angela Merkel mettrait le feu à ses propres terres".


Donc, pour Desuin, la solution passe par les initiatives prises par la France avec ses partenaires méditerranéens, comme le sommet informel du Med7 réuni la semaine passée à Ajaccio en Corse.


"Si la France et ses alliés méditerranéens n’agissaient pas maintenant, on laisserait progressivement la Turquie s’autoproclamer gardienne de nos frontières maritimes", poursuit-il.


L’essayiste est très clair dans sa position : "Si nous laissions Erdogan avancer, ne serait-ce que de quelques kilomètres, c’est toute la Méditerranée et les Balkans qui pourraient basculer", affirme-t-il.


Avant de laisser entendre l’inimaginable : "La Turquie devrait toutefois se rappeler que, si ses forces conventionnelles sont peut-être quantitativement supérieures aux nôtres, la France est une puissance nucléaire qui ne supportera pas d’être agressée".


L’essayiste, dans son opposition à la Turquie, n’hésite pas à faire mention de l’arme nucléaire. Il semble évident que pour Desuin, seule une option militaire doit être apportée à cette crise.


Il répondra forcément que ce n’est qu’un argument de dissuasion, mais le simple fait d’en arriver là montre combien la haine de la Turquie dans certaines sphères françaises a atteint un niveau inquiétant, inquiétant non pas pour la Turquie, mais pour le bien de l’Humanité toute entière.


- "Le Figaro", nouvelle figure de proue de l’hostilité envers la Turquie ?


Cet entretien publié dans le Figaro Vox n’est que le dernier d’une série d’articles, de reportages, voire de "fictions", totalement orientés dans l’opposition à Ankara.


Il est peut-être nécessaire de rappeler que Le Figaro, et tous ses dérivés, appartiennent au Groupe Dassault, celui même qui fabrique les avions de chasse Rafale, ces fameux jets qu’Athènes a décidé d’acquérir pour renforcer sa dimension militaire contre la Turquie.


La France n’hésite pas à profiter de cette tension pour vendre des armes, difficiles à vendre, à un pays qui sort à peine la tête de l’eau après une grave crise financière qui a fait souffrir les Grecs.


Ce contrat d’achat de Rafales vient à point pour le Groupe Dassault qui en avait fortement besoin puisque sa chaine de production était sur le point de s’arrêter, ce qui aurait provoqué une grave crise financière pour le constructeur français.


Une vente qui, par ailleurs, interroge au sein même des sphères académique et journalistique françaises. Ainsi le directeur adjoint du Think-tank français 'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS)', Didier Billion, et Jean-Dominique Merchet, journaliste émérite du quotidien "L'Opinion", ont fait part de leur étonnement suite à cette vente mais aussi de leur désaccord avec la stratégie diplomatique française adoptée par le Président Macron.


Dans ce contexte militaro-commercial, Le Figaro est devenu le porte-parole des idées très ancrées à droite, voire extrémistes, tant sur la politique étrangère envers la Turquie, que dans les débats internes à la France autour de l’Islam et des musulmans.


Ainsi, dernièrement, Judith Waintraub, journaliste au Figaro, a demandé à ce que toute conversion à l'Islam en France soit signalée comme possible radicalisation, quelques jours à peine après avoir mentionné "11 septembre" sous une vidéo de la chaine BFMTV où une jeune musulmane, voilée, donnait des conseils pour cuisiner à moindre frais.


Un dernier exemple du climat délétère que Le Figaro aime alimenter.

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