La victoire de Canakkale: Symbole de l’existence de la nation turque
- Le 18 mars 1915, la Grande-Bretagne et la France, Forces de l’Entente qui pensaient pouvoir traverser le Détroit de Canakkale avec des navires de guerre, ont essuyé une défaite inattendue

Ankara
AA - Ankara
Au cours de la Première Guerre Mondiale, l'Empire ottoman, est entré en guerre aux côtés de l’Allemagne, face aux pays Alliés. Sur le front de Canakkale, le combat pour l’existence d’une nation a été donné.
Par sa victoire décisive, il y a 103 ans, l'Empire ottoman, qui a montré que «Canakkale est infranchissable», a gravé l’épopée turque dans l’histoire.
D’après les recherches d’un correspondant Anadolu (AA), le Conseil de guerre britannique a décidé, le 13 janvier 1915 de «Lancer les préparatifs de guerre courant février afin d’attaquer et de s’emparer de la péninsule de Gallipoli en vue de conquérir Istanbul».
Istanbul a constitué la principale cible de l’opération qui a débuté le 19 février.
Suite à la demande d’aide formulée par la Russie (2 janvier 1915), la Grande-Bretagne a traversé le détroit de Canakkale et a voulu envahir Istanbul avant la Russie. De la sorte, la capitale de l'Empire ottoman serait saisie et la guerre terminée.
Le 18 mars 1915, la Grande-Bretagne et la France, États Alliés qui pensaient pouvoir traverser le détroit de Canakkale avec des navires de guerre, ont subi une défaite inattendue.
Les trois cuirassés majeurs, dont les cuirassés de la marine britannique, baptisés «l'invincible Armada», ont été coulés par les mines installées par le navire Nusret à travers le Détroit des Dardanelles.
Les alliés, qui ont compris qu'ils ne pouvaient traverser le détroit de Canakkale, ont lancé une opération terrestre de grande envergure le 25 avril 1915.
- Défense terrestre
Liman von Sanders, commandant du 5ème régiment, qui s’attendait à ce que les débarquements aient lieu sur les rives de la baie de Saros, a placé deux divisions dans la région la plus étroite de la péninsule de Gallipoli.
Sanders avait l'intention d'attaquer pendant les opérations des forces d'extraction, en conservant une partie importante des troupes en arrière.
Face à la défaite du 18 mars, la Grande-Bretagne et son allié la France ont prévu d’ouvrir le Détroit de Canakkale en installant, le matin du 25 avril, leurs troupes sur les rives de Ariburnu et Sedd-Ul-Bahr dans la péninsule de Gallipoli et sur les rives de Kumkale en Anatolie.
En occupant -le premier jour- le mont Kocacimen à Ariburnu et Sedd-Ul-Bahr à Alcitepe, les Alliés comptaient atteindre Kilitbahir et permettre aux cuirassés d’accéder au détroit.
C’est aux côtés de l’Allemagne, que l’Empire ottoman a participé à la guerre avec ses citoyens et les volontaires originaires des différentes zones géographiques ottomanes, qui représentent plus de 30 États aujourd'hui.
L'armée de l’Entente était composée de soldats britanniques et français, ainsi que de soldats originaires des colonies d'Australie, de Nouvelle-Zélande, d'Inde, du Népal et du Sénégal.
- Bataille terrestre
Le débarquement des soldats, issus des troupes de l’Entente, à Ariburnu, Sedd-Ul-Bahr et Kumkale, a marqué le début de la deuxième période sur le front de Canakkale.
Le 25 avril 1915, le général britannique Sir ian Hamilton a rencontré une résistance féroce à Alçitepe, première cible choisie. Dans la soirée du 25 avril, les Anzacs ont eu des pertes considérables à Ariburnu.
L’Alliance marine a débarqué à Conkbayir et Hisarlik. Le débarquement a été repoussé par de grands efforts.
Le même jour, la baie Ertugrul, ciblée par la division britannique du Lancashire, a été défendue par les soldats de la 12ème compagnie du 3ème bataillon du 26ème régiment, sous le commandement du sergent Ezineli Yahya.
Ayant vaincu les forces ennemies bien plus nombreuses qu’eux, les Mehmetçik -soldats turcs- ont marqué l’histoire avec leur lutte épique.
Le matin du 25 avril, le colonel Mustafa Kemal, commandant de la 19ème Division, a décidé d’envoyer, en plus d’une batterie d’artillerie et d’une unité de cavalerie, le 57ème Régiment dans la région d’Altinburnu, ciblée par les bombes ennemies.
Par son héroïsme et son courage, le 57ème Régiment, qui a résisté avec le soutien d'autres troupes aux huit bataillons ennemis, a inscrit son nom en lettres capitales dans l’Histoire.
- «Je vous ordonne de mourir»
Les paroles de Mustafa Kemal qui a déclaré : «Je ne vous ordonne pas de combattre, je vous ordonne de mourir», ainsi que celles du général britannique Hamilton, qui a affirmé: «Les montagnes enceintes continuent de donner naissance aux Turcs», illustrent la bravoure du 57ème Régiment qui s’est lancé sur l’ennemi sans la moindre hésitation.
Elles gravent également l’héroïsme de ces soldats dans les mémoires.
Le 26 avril, face aux intenses attaques de l’ennemi, le colonel Mustafa Kemal a expédié le 72ème régiment et la 8ème batterie à l’aile sud.
Le corps armé a annoncé qu'il ne pouvait envoyer d’autres renforts. Le colonel Mustafa Kemal a qualifié ce jour de «jour le plus critique contre l'ennemi».
Le 28-30 avril, la première bataille de Kirte a eu lieu. L’assaut de l'armée ennemie, composée de deux brigades britanniques et une brigade française, a été repoussé par les soldats ottomans.
L’offensive des pays Alliés, qui avaient prévu de se saisir d’Alçitepe en assiégeant la région à partir de l’Ouest, s’est soldée par un échec.
Du 6 au 8 mai, la seconde bataille de Kirte s’est tenue entre l’Empire ottoman contre l’Entente qui envisageait de s’emparer d’Alcitepe. Les Britanniques et les Français, qui ont compris qu’ils ne parviendraient pas à se saisir de la région, ont exigé de nouveaux renforts.
«Ce satané Canakkale deviendra notre tombe à tous», écrivait le commandant en chef de la marine britannique, Lord Fischer, dans une lettre adressée au ministre de la marine britannique, Winston Churchill. Ce dernier exigeait la poursuite des opérations malgré les pertes majeures.
- Churchill démissionne
Non inclus dans le cabinet britannique nouvellement créé, le ministre britannique de la marine, Churchill, a démissionné le 17 mai.
Le même jour, le gouvernement britannique a demandé à la Russie l’envoi de nouvelles troupes dans la péninsule de Gallipoli.
Assigné au commandement du groupe du Nord, Esad Pacha, a émis une ordonnance d'assaut pour Ariburnu le 18 mai à 20h00.
Les forces ottomanes ont échoué lors de l'offensive majeure lancée par les quatre divisions.
Les États ottoman et de l'Entente sont parvenus à un cessez-le-feu le 23 mai. Le cessez-le-feu instauré entre 09h30 et 16h30 est entré en vigueur et les parties ont pu inhumer leurs morts et soigner leurs blessés.
Dès 16h, les troupes appartenant aux États ottoman et de l'Entente sont retournées dans leurs tranchées et la guerre a repris.
- Mustafa Kemal a été promu colonel
Le colonel Mustafa Kemal a remporté de grandes victoires dans la péninsule de Gallipoli.
Il a contrecarré l’avancée des troupes Anzac à Ariburnu au niveau de la péninsule de Conkbayir.
Cette réussite lui a permis d’atteindre le grade de colonel, le 1er juin 1915, sur décision du commandant du 5ème Régiment, Liman von Sanders.
Les grandes pertes de l’Empire ottoman, ont encouragé (le 19 mai) le général Hamilton à lancer une attaque pour s’emparer de Yassitepe-Alcitepe.
Pour la troisième fois, Kirte a été choisi comme village de départ de l’offensive. Les troupes de réserve ottomane ont repoussé l'offensive des troupes ennemies du 4 au 6 juin.
Le 21-22 juin, la première bataille de Kerevizderesi a eu lieu. L'attaque, qui a été lancée par le corps d’armée française en vue de saisir l’embouchure de Kerevizderesi, a été réprimée par les soldats ottomans.
La bataille de Zigindere («Gully Ravin Battle» en anglais), qui a duré du 28 juin au 5 juillet, a débuté. Lors de l’attaque lancée par l’Entente, afin de s’emparer de Zigindere, de nombreux sites dont l'hôpital du Sahara ont été bombardés.
Les Britanniques ne sont pas parvenus à atteindre leurs objectifs.
- Bataille de Anafartalar
Après la défaite du 25 avril, les Alliés décident d’attaquer de nouveau à l’aide de nouvelles troupes (6 août) afin d’atteindre à Anafartalar, le but désiré précédemment.
La bataille de Lone Pine, qui a opposé l’Empire ottoman à l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les troupes indiennes a duré 4 jours.
Le matin du 6 août, l’ennemi a effectué des tirs d'artillerie intenses sur la région de Sedd-Ul-Bahr et Ariburnu.
Suite à la progression des troupes britanniques à Anafartalar, Liman von Sanders a nommé Mustafa Kemal à la place du commandant de groupe, Ahmet Feyzi (Feyzullah) qui n’avait pas exécuté les ordres de Sanders et ce, à deux reprises.
Le 10 août, sous le commandement du colonel Mustafa Kemal, les troupes turques ont vaincu et chassé les troupes britanniques de Conkbayir.
Alors que les affrontements se poursuivaient à Conkbayir, des morceaux de shrapnel qui ont atteint le colonel Mustafa Kemal à la poitrine, ont brisé l'horloge de poche qui lui avait été offerte par sa mère, Zubeyde Hanim.
- Médaille du mérite pour Mustafa Kemal
En raison de ses réalisations exceptionnelles à Anafartalar, le colonel Mustafa Kemal a reçu la «médaille d’argent du mérite de la bataille».
Le ministre britannique de la défense, le général Kitchener, s'est rendu à Gallipoli le 9 novembre, notant qu’il serait difficile de lutter au cours de l’hiver qui approchait. Dans un vaste rapport il a annoncé l'évacuation des régions avant l’arrivée de l'hiver.
Le général Monroe, commandant des forces de l'expédition méditerranéenne, a également organisé un vaste rapport sur l'évacuation de la péninsule.
Le gouvernement britannique a pris la décision définitive d'évacuer une partie de la péninsule de Gallipoli le 9 décembre. Selon les décisions prises, les régions d’Anafaralar et d’Ariburnu devaient être évacuées immédiatement. Quelques troupes demeureraient dans la région de Sedd-Ul-Bahr.
Après de longues évacuations, l’Entente a évacué les militaires d’Ariburnu et de Suvla dans la nuit du 20 décembre. Le 9 janvier ils ont quitté la dernière région occupée Sedd-Ul-Bahr et se sont complètement retirés de la péninsule de Gallipoli.
La victoire appartenait à la nation turque.
Ainsi, il y a 103 ans, la nation turque, qui a combattu «contre le monde entier» a démontré que «le Détroit des Dardanelles est infranchissable», gravant la victoire de «Gallipoli» dans l’histoire.
- Les conséquences de la victoire
Les batailles, qui ont duré environ 9 mois et demi à Canakkale, ont eu des conséquences importantes pour les deux parties.
Selon l'objectif des États de l’Entente, la capitale ottomane, Istanbul, allait être envahie grâce à l’ouverture d’un passage à Canakkale. De la sorte l’Empire ottoman allait être exclu de la guerre et la Russie soutenue.
Les conséquences de la guerre de Canakkale ont eu des échos au niveau mondial.
Quand bien même l’Empire ottoman n'a pas pris place parmi les gagnants de la Première Guerre Mondiale, la victoire de Canakkale a permis à la nation turque de gagner en confiance et d’acquérir une conscience nationale.
Environ 250 mille soldats sont tombés en martyrs au front de Canakkale, dont un grand nombre de diplômés. A tel point que lors de la création de la République il ne se trouvait plus aucun diplômé dans le pays.
Gazi [vétéran, ndlr] Mustafa Kemal Ataturk, à l’origine des victoires d’Anafartalar et de Conkbayir, est devenu le fondateur de la République turque dans les années suivantes et a pris sa place parmi les leaders mondiaux les plus victorieux.
- Le tsarisme renversé
Tandis que les flottes britanniques et françaises, considérées comme «invincibles», ont été englouties dans les eaux de Canakkale, l’Entente a concentré ses forces sur l'Allemagne.
Winston Churchill ministre de la marine britannique a démissionné.
Si la bataille de Canakkale avait abouti à la défaite de l’Empire ottoman la Première Guerre Mondiale se serait terminée beaucoup plus rapidement. Finalement, avec la victoire turque elle a duré deux ans de plus.
La Russie, qui n'a pas reçu l’aide souhaitée, a quitté la Première Guerre Mondiale plus tôt que prévu. Le tsarisme a été renversé et la révolution bolchevique a eu lieu dans le pays.
Lors du front de Canakkale, l’un des objectifs des États de l'Entente était d’impliquer les États balkaniques dans la guerre au sein de l’Entente.
Toutefois, cet échec a renforcé les liens entre l'Empire ottoman et l'Allemagne. La Bulgarie a pris sa place aux côtés des États de l'Alliance au lieu des États de l'Entente.