Politique

Les proches des 3 890 Azerbaïdjanais disparus attendent des nouvelles d'eux depuis 30 ans

- À l'occasion de la Journée internationale des Victimes des disparitions forcées, les proches des victimes azerbaïdjanaises de la première guerre du Karabagh, ont dénoncé l'oubli et la négligence de la communauté internationale

Mourad Belhaj  | 30.08.2021 - Mıse À Jour : 31.08.2021
Les proches des 3 890 Azerbaïdjanais disparus attendent des nouvelles d'eux depuis 30 ans

Azerbaijan

AA / Ümit Dönmez

Les proches des milliers d'Azerbaïdjanais disparus depuis la première guerre du Karabagh, ont témoigné de leurs souffrances, à l'occasion de la Journée internationale des Personnes disparues et des Victimes des disparitions forcées, du 30 août.

Alors qu'ils vivent encore dans la douleur et l’incertitude trois décennies plus tard, les proches des 3 890 disparus azerbaïdjanais – 3 171 militaires et 719 civils - dont le sort demeure inconnu depuis les années 1990, continuent de faire part de leurs sérieuses inquiétudes quant à leur bien-être.

Portées disparues suite à l'agression et à l'occupation arméniennes de plusieurs régions de l'Azerbaïdjan, dans la guerre arménienne d'invasion (1988-1994), ces personnes faisaient partie des milliers de victimes des exactions systématiques de l'occupant arménien ayant perpétré une longue série de massacres ainsi que l'expulsion massive des populations azerbaïdjanaises de leurs terres ancestrales, mais également la détention illégale, la torture et des atteintes à la dignité personnelle des otages et des prisonniers de guerre azerbaïdjanais, comme en témoignent nombre d'institutions onusiennes, d'ONG et journalistes présents sur le terrain, durant le conflit.


- Des destins oubliés par la communauté internationale


Alors que les exactions subies par le peuple bosniaque dans la guerre survenue aux Balkans à la même période, telles que le massacre de Srebrenica (1992), ont capté l'attention de la communauté internationale, les souffrances des victimes azerbaïdjanaises de la guerre première guerre du Karabagh demeurent à ce jour, largement inconnues du grand public.

Malgré les appels répétés des autorités azerbaïdjanaises à l'Arménie, parmi les 3890 disparus azerbaïdjanais depuis la première guerre du Karabagh, « il a été possible d'obtenir des informations sur 54 prisonniers de guerre et otages azerbaïdjanais, dont 6 femmes, qui ont été recensés par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et visités à plusieurs reprises par les délégués du CICR dans leurs lieux de détention », selon l'organisation non gouvernementale (ONG) internationale ayant fait état de violations arméniennes des Conventions de Genève (1949) relatives au traitement des prisonniers de guerre et des personnes civiles en temps de guerre.

Ces violations faisaient partie d'une politique systématique de punition collective et de discrimination à l'encontre des Azerbaïdjanais, militaires et civils confondus ; un modus operandi répliqué à une moindre échelle par Erevan lors de la guerre de 44 jours de l'automne dernier (27 septembre – 9 novembre 2020), qui a permis à l'Azerbaïdjan de recouvrer sa souveraineté sur les huit régions azerbaïdjanaises occupées depuis une trentaine d'années par les milices et colons arméniens.

L'un des plus graves crimes contre l'humanité a été commis dans la ville azerbaïdjanaise de Khodjaly les 25 et 26 février 1992, suite à l'occupation de la ville par les forces armées arméniennes [1].

Parmi les 613 habitants de la ville massacrés par les militaires arméniens, figuraient au moins 63 enfants et 106 femmes, alors que huit familles ont été entièrement décimées. 487 personnes, dont 76 enfants, sont également restées handicapées.

Actuellement, la Commission azerbaïdjanaise d'État pour les Prisonniers de guerre, les Otages et les Personnes disparues recense 196 habitants de Khodjaly, dont 36 enfants et 65 femmes, qui sont disparues depuis trois décennies. De nombreux témoignages confirment qu'au moins 95 de 196 personnes, dont 16 enfants et 22 femmes, ont été prises en otages à Khodjaly par les militaires arméniens.

Sur l'ensemble de la première guerre du Karabagh, des 3 890 Azerbaïdjanais encore disparus à ce jour, au moins 872 personnes dont 29 enfants et 98 femmes, ont été faites prisonnières par les agresseurs arméniens pour n'avoir pas quitté leur domicile ou parce qu'elles sont restées dans les territoires azerbaïdjanais occupés.

L'Azerbaïdjan continue aujourd'hui de coopérer avec le CICR, notamment en collectant des échantillons d'ADN auprès des proches des personnes disparues qui, désespérées, attendent toujours des informations qui puissent les éclairer sur leur sort.

Malheureusement, une partie ces personnes disparues ne sont pas en vie et il est estimé que leurs restes sont enfouis dans des fosses communes qui n'ont pas encore pu être localisées.


- Le cri de désespoir des proches des personnes disparues


« Ne pas savoir ce qui est arrivé à un parent, un conjoint ou un enfant, impose un fardeau intolérable à ces familles. Elles vivent dans les limbes, dans l'incapacité de porter son deuil, entre un espoir et un désespoir sans fin », témoigne le CICR dans un message publié lundi à l'occasion de la Journée internationale des personnes disparues [2] et intitulé « Azerbaïdjan : des milliers de personnes attendent toujours de recevoir des nouvelles de leurs proches » .

« On fête chacun de ses anniversaires, en son absence. Les années passent, il vieillit. Mais dans mes rêves, il a toujours le même âge », raconte la sœur d'un disparu azerbaïdjanais de la première guerre du Karabagh, interrogée par le CICR.

Dans une publication partagée sur les réseaux sociaux, l'Association Dialogue France-Azerbaïdjan partage les émotions et les images de proches de disparus azerbaïdjanais.


Un internaute francophone rappelle, quant à lui, que « La lumière n’a toujours pas été faite sur le sort de plus de 3890 azerbaïdjanais (3171 militaires et 719 civils) disparus depuis la première guerre de #Karabakh (1992). Leurs familles et proches vivent toujours dans la douleur et l’incertitude », note le réseaunaute.




Notes :

[1] Témoignages : les destins brisés de Khodjaly – Agence Anadolu – 25 février 2021

https://www.aa.com.tr/fr/monde/témoignages-les-destins-brisés-de-khodjaly/2156783


[2] Azerbaijan: Thousands of people still waiting to receive news about their loved ones – CICR – 30 août 2021

https://www.icrc.org/en/document/azerbaijan-people-waiting-news-loved-ones

Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.