Mali: le nouveau PM Modibo Keïta, un homme de consensus respecté même par les groupes armés
Keïta, "Haut représentant" du président actuel Ibrahim Boubacar Keïta, avait mené a bien la mission qui lui était confié d'établir un cadre d'accord de paix à Alger entre le gouvernement et les groupes armés du Nord.

AA/Desk/Esma Ben Said
Modibo Keïta, fraichement nommé Premier Ministre du Mali, en remplacement de Moussa Mara, démissionnaire jeudi soir, est connu pour être une personnalité politique de consensus expérimenté et respecté par les différents acteurs de la crise inter-malienne, y compris les groupes armés du Nord qui reconnaissent avoir confiance en lui.
Keïta a 73 ans et une carrière solide. Natif de Kolikoro, quartier situé dans le nord-est de la capitale Bamako, il a d'abord été instituteur (en 1963) avant d'entrer dans le domaine politique et d'y revêtir plusieurs casquettes : celle d'abord, de directeur de cabinet du ministre de l'Education nationale (1979-1982) avant de devenir ministre de l'Emploi (1982-1986) et ministre des Affaires étrangères (1986-1989).
Entre 1999 et 2002, ce père de cinq enfants, devient ambassadeur puis secrétaire général de la présidence sous Alpha Oumar Konaré avant de devenir brièvement son premier ministre de mars à juin 2002.
En avril dernier, il est nommé "Haut représentant" du président actuel Ibrahim Boubacar Keïta, pour les pourparlers de paix lancés en juillet à Alger entre le gouvernement et les groupes armés du nord du pays, qui devront aboutir, courant janvier, à un accord de paix.
Durant les négociations à Alger, Keïta, qui n’a pas de coloration politique connue, a recueilli les préoccupations et les critiques de ses interlocuteurs qui ont unanimement salué sa démarche. Pour lui, ce dialogue inclusif inter-malien devait à tout prix aboutir et ce, le plus rapidement possible puisque comme il aimait à le rappeler, "le temps est notre plus grand ennemi", face au besoin de concertation nationale.
Faisant donc de cet aboutissement à la paix, une priorité de la plus haute importance, Keïta a rencontré au mois de juillet dernier, les leaders politiques, les groupes armés (les signataires et les adhérents de l’Accord préliminaire de Ouagadougou) dans la capitale burkinabé ainsi qu'à Nouakchott, capitale mauritanienne avant de tracer trois étapes cruciales pour le processus de paix.
Une phase initiale qui consistait à valider la feuille de route, une phase des négociations et la signature solennelle de l'accord définitif de paix. Les deux premières étapes se sont déroulés à Alger et le Mali s'engage désormais vers la phase ultime avec beaucoup d'espoir.
Durant plusieurs semaines de négociations, le Haut Représentant avait d'ailleurs insisté, à plusieurs reprises, sur l'importance d'un dialogue qui se tiendrait dans un climat de confiance, de respect, et d'optimisme.
Keïta est ainsi réputé pour être un homme de consensus même auprès des les leaders des quatre principaux groupes armés, se revendiquant de l'Azawad, à savoir Bilal Ag Achérif du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), Alghabass Ag Intalla du Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), Ahmed Ould Sidi Mohamed du Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), et Ibrahim Ag Mohamed Assaleh de la Coalition pour le peuple de l'Azawad (CPA).
Dans un communiqué cosigné le lundi 28 avril ces leaders, avaient vivement rejeté le ministre de la Réconciliation nationale, Zahabi Ould Sidi Mohamed, nommé le 12 avril 2014 pour relancer les discussions de paix alors totalement bloquées, mais avaient affirmé vouloir maintenir le dialogue avec les autorités maliennes et "poursuivre la recherche d'une solution durable au conflit" reconnaissant alors "un seul et unique émissaire officiel" en la personne de Modibo Keïta.
Keïta remplace donc désormais Moussa Mara, le jeune ministre de 39 ans nommé il y a neuf mois lui-même en remplacement d'Oumar Tatam Ly qui avait présenté sa démission.
Depuis plusieurs mois, Mara était décrié par l'opposition et contesté par une partie de la majorité surtout à la suite de son déplacement à Kidal, bastion de la rébellion touarègue, au mois de mai dernier, qui avait provoqué des affrontements meurtriers entre l'armée malienne et les rebelles qui tenaient la ville.
Ces combats avaient d'ailleurs fait des dizaines de morts dans le rang des militaires et avaient forcé les forces armées à battre en retraite dans de nombreuses localités du Nord laissant ainsi la grande majorité du septentrion malien aux mains des groupes armés.
A la suite de cette débâcle, Mara n'est pas parvenu à gagner la confiance des classes politiques et pour nombre de chroniqueurs politiques « ces jours étaient comptés ».
Selon certains observateurs politiques, la nomination de Keïta au poste de PM se justifie donc par le fait qu'il peut être l'homme de la situation, la réussite au dialogue inclusif prouvant ses qualités de médiateur et de diplomate ainsi que par sa maitrise de la question sécuritaire au Mali, primordial pour le président malien.
Beaucoup attendent d'ailleurs qu'il fasse profiter son gouvernement d'une grande expérience de terrain et de sa connaissance de l'administration du pays.