RCA: Le Ministre français de la Défense en visite à Bambari dans un climat très tendu
Lundi, une attaque contre l'évêché de Bambari faisant un mort et plusieurs blessés a été imputée à des musulmans armés après l'assassinat d'un jeune musulman plus tôt dans la journée.

AA/Thierry Brésilion
Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense, effectue mardi, un déplacement à Bambari (400 kilomètres à l'Est de Bangui) où règne un climat d’extrême tension, après un accrochage, jeudi, avec des miliciens Anti-balaka qui a fait sept blessés parmi les militaires français et l'attaque de l'évêché, par un groupe armé, lundi soir, qui a fait un mort et plusieurs blessés.
La ville est aujourd’hui l’un des principaux lieux de déploiement de l’opération militaire Sangaris, avec un effectif d’environ sept cents hommes sur un total de deux mille. Le Ministre français rendra visite aux troupes du GTIA (Groupe tactique inter-armes) et Scorpion (récemment renforcé). Le détachement militaire français se retrouve en première ligne pour éviter que la région ne soit emportée dans des violences inter-communautaires comme celles qui ont déchiré l’ouest du pays six mois plus tôt.
Selon des sources locales dont les informations ont été confirmées, lundi, par les services du Ministère de la Défense, sept militaires français ont été blessés, jeudi soir, lors d’un accrochage avec des miliciens Anti-balaka. Ceux-ci auraient pris à partie une patrouille française à proximité d’un site de déplacés (Notre-Dame des Victoires).
Bambari peut être considérée comme la « porte » de l’Est du pays, toujours sous le contrôle de l’ex-Seleka. Une escalade dans cette localité névralgique où chrétiens et musulmans étaient parvenus à poursuivre une cohabitation pacifique, aurait des répercussions sur l’ensemble du processus politique de pacification.
Or, la tension monte depuis le mois de mai. L’avancée d’Anti-balaka armés depuis Grimari, à l’ouest de Bambari, puis l’assassinat de musulmans et notamment d’une famille peule le 9 mai, à une quarantaine de kilomètre au sud de la ville, ont amorcé la logique du conflit intercommunautaire.
Suite à l’assemblée de la Seleka à N’Délé, du 7 au 11 mai dernier, la coalition de mouvements rebelles a choisi d’installer son Etat major à Bambari, suscitant de vives inquiétudes. Une partie la classe politique et des autorités de transition y avaient vu le signe d’une volonté de consacrer la séparation de la Centrafrique.
Le 21 mai, le général Soriano, commandant la force Sangaris et l’ambassadeur de France, Charles Malinas, lors d’un déplacement à Bambari, avaient mis en demeure les troupes de la Seleka d’appliquer les mesures de confiance et de rester cantonnés. Cette injonction avait provoqué dès le lendemain de violentes protestations d’une partie de la population musulmane, craignant de voir les Anti-balaka déferler sur la ville si la Seleka n’était plus en mesure de la protéger.
Malgré un relatif retour au calme, la situation est restée fragile. Une partie de la population chrétienne reste réfugiée autour des lieux de culte. Selon OCHA (bureau de coordination humanitaire des Nations unies), quatre sites, à proximité des églises, accueillent à présent plus de 21 000 déplacés, dans des conditions humanitaires déplorables.
Le 23 juin, l’assassinat d’une vingtaine de peuls a relancé la crise et provoqué des représailles dont le bilan se monte à au moins 70 morts parmi les chrétiens, selon l'abbé Félicien Endjinoyo, chancelier de l’évêché de Bamabri.
Les responsables Anti-balaka à Bangui nient que leurs éléments soient à l’origine du massacre des peuls, tandis quel le Colonel Narkoyo, porte-parole adjoint de l’Etat major de la Seleka, joint par Anadolu, dément que ses troupes soient à l’origine des représailles contre les civils.
Depuis, on ne compte plus les villages incendiés ni les exécutions de civils, tandis que la psychose s’accroît en ville. « Les Anti-balaka sont à 9 kilomètres de Bambari, assure Zoubeirou Moussa, président de l’association des jeunes musulmans de Bamabri, interrogé par Anadolu. Ils sont en train de former les enfants. »
« En plus de la Seleka, des groupes d’archers peuls opèrent dans la région sous les ordres d’un notable peul, et se livrent à des représailles. Des civils musulmans armés dans les rues, empêchent toujours les chrétiens de circuler, assure l’abbé Félicien Endjinoyo dans un témoignage recueilli par Anadolu. Comme les musulmans craignent l’infiltration des Anti-balaka, tout chrétien peut-être accusé et exécuté», a-t-il indiqué à Anadolu
Les bonnes volontés peinent à réduire le malentendu. Côté musulman, on souhaite donner des signes d’apaisement « Désormais nous avons confiance en Sangaris. Nous avons organisé lundi 30 juin une marche pour appeler à la paix et dire aux chrétiens qu’ils ne sont pas visés, même si nous sommes prêts à nous défendre contre les Anti-balaka. », déclare Zoubeirou Moussa.
Mais côté chrétien, le soupçon demeure. « Ce sont les mêmes qui appellent à la violence et qui manifestent pour la paix» selon l'abbé de Bambari.
Lundi, un groupe d'hommes armés, identifiés comme "musulmans" par des témoins chrétiens, a attaqué l'évêché de Bambari, quelques heures après l'assassinat d'un jeune musulman. Cette attaque a fait un mort et plusieurs blessés selon des des sources locales contactés par Anadolu.
En arrière-plan de cette tension locale, se joue aussi l’attitude d’un des principaux acteurs dans l’évolution de la crise centrafricaine. La Seleka apparaît toujours divisée.
« Nous sommes disposés à coopérer avec les forces internationales », assure le colonel Narkoyo, proche du Chef d’Etat major, le général Zoundeiko, qui semble obéir à une logique d’intégration au processus politique de dialogue. Mais le général Ali Darassa, commandant de la zone de Bambari depuis le mois de janvier, souhaite conserver son autonomie opérationnelle. « Le général Ali Darassa n’est pas un Centrafricain. Les intérêts qu’il poursuit ne sont pas ceux du pays », accuse le colonel Narkoyo.
La Centrafrique connait depuis un mois un retour fragile à la paix après avoir sombré depuis 2012 dans un conflit intercommunautaire opposant milices chrétiennes(Anti-balaka) et musulmanes (Séléka) qui a plongé le pays dans un cercle infernal de représailles acculant les habitants, essentiellement de confession musulmane, à fuir leurs quartiers vers des villes avoisinantes ou des pays limitrophes.