Tariq Ramadan : « Je suis ciblé pour ce que je représente » (Interview)
- Une semaine après son acquittement, l’islamologue est revenu, pour Anadolu, sur son affaire et les suites qu’elle pourrait encore avoir.

France
AA/Nice/Feïza Ben Mohamed
L’acquittement, par la Suisse, de l’islamologue Tariq Ramadan, visé par des accusations de viols et de contrainte sexuelle sur une femme de 57 ans, a fait grand bruit le 24 mai dernier.
Plus de cinq ans après la vague « Me too », la justice suisse a fini par trancher en innocentant celui que les médias français ne finissent plus d’incriminer.
Si un appel a immédiatement été formulé par la plaignante, Tariq Ramadan reste aujourd’hui dans l’attente d’un éventuel procès en France où il est mis en cause par 4 autres femmes qui l’accusent de viols.
Une semaine après son acquittement, l’intellectuel est revenu, pour Anadolu, sur son affaire et les suites qu’elle pourrait encore avoir, mais également sur sa relation avec les communautés musulmanes depuis 5 ans.
- Une affaire judiciaire mais surtout politique
L’immense retentissement médiatique des accusations portées contre celui qui, pendant 40 ans, a rempli des milliers de salles de conférences, a eu une teneur particulière dans l’Hexagone.
Au-delà du mouvement « Me too », c’est bien le profil de Tariq Ramadan qui a généré une couverture médiatique extraordinaire.
« J’ai parfois eu l’impression que ce n’est pas un homme que l’on a à juger, mais bien ce qu’il représente. C’est Tariq Ramadan l’islamologue, l’intellectuel, qui est accusé », explique le concerné.
Il relate avoir exhorté le tribunal suisse devant lequel il comparaissait, à le « juger comme un citoyen suisse en oubliant (son) nom » et assure avoir « la certitude que (s’il) ne s’appelait pas Tariq Ramadan », cette affaire « n’aurait jamais existé ».
L’enseignant de 60 ans pointe, à cet effet, « ceux qui, au nom de la détestation d’un homme » ont plongé tête baissée dans un lynchage médiatique visant à « le couper de sa base ».
S’agissant par ailleurs de certains des profils de ceux qui ont porté de lourdes accusations contre lui, il explique que l’une des plaignantes « est proche de l’extrême-droite » et soutient Marine Le Pen, tandis qu’un militant proche des mêmes milieux, a été incarcéré pour l’avoir menacé et harcelé depuis le début de l’affaire.
Tariq Ramadan considère en outre que dans cette affaire, il était question de le « viser en tant que figure musulmane qui revendique la présence des Européens de confession musulmane ».
- Une collusion des plaignantes ?
Tout au long de la procédure, Tariq Ramadan s’est évertué à dévoiler ce qu’il qualifie de « manigances » des plaignantes, en lien avec la polémiste Caroline Fourest, tenante d’une vision fermée de la laïcité et auteure d’un livre à charge contre l’intellectuel suisse.
« Des éléments sont ressortis de la procédure et mettent en évidence que les plaignantes se connaissent toutes, et qu’elles sont en contact avec mes ennemis idéologiques Caroline Fourest, Alain Soral et le paparazzi Jean-Claude Elfassi pour me faire tomber », relate Tariq Ramadan avant de préciser que « leur but était de briser (sa) carrière et (sa) réputation ».
Au cours du procès intervenu début mars à Genève, il a notamment été révélé que la plaignante suisse était elle aussi en lien avec les accusatrices en France, et Caroline Fourest, malgré les dénégations de cette dernière lors d’interventions télévisées.
- Quelle relation avec les musulmans depuis le début de l’affaire ?
Loin de l’époque où les salles étaient pleines et les files d’attente interminables pour assister à l’une de ses conférences, Tariq Ramadan a réinventé son lien avec les communautés musulmanes qui constituent naturellement l’essentiel de son public.
Depuis sa sortie de prison, il multiplie les interventions en ligne, les lives sur les réseaux sociaux, et même les sessions de formation qui lui offrent une proximité certaine avec ceux qui souhaitent bénéficier de ses enseignements.
Interrogé sur la nature de sa relation avec les musulmans, Tariq Ramadan souligne que depuis des années maintenant, bon nombre de ses détracteurs affirment qu’il « n’est plus rien et ne représente plus rien » en se parant de « valeurs morales » pour « le délégitimer ».
Selon lui, « la stratégie politique » établie a été très claire et consistait « à (le) salir pour (le) couper des musulmans », mais n’a pas abouti.
« Je peux comprendre la déception », reconnaît l’islamologue qui rappelle que « la pertinence d’une pensée ne se mesure pas à la perfection de celui qui l’énonce ».
Pour autant, loin de ses déboires judiciaires, Tariq Ramadan « continue les enseignements de manière beaucoup plus riche que ce qu’ils ont pu être auparavant », notamment à travers son engagement « avec l’institut Chifa, la transmission des fondamentaux, ou encore des dîners littéraires même si c’est peut-être en plus petit comité ».
Ces interventions en ligne sont par ailleurs suivies par des milliers de personnes chaque semaine et tendent à illustrer le besoin de bon nombre de musulmans, de retrouver une figure médiatique à laquelle ils peuvent s’identifier et qu’ils souhaitent (re)voir et (ré)écouter à une heure où la politique de l’Etat français envers sa minorité musulmane est particulièrement inquiétante.
« Je n’arrêterai pas parce que j’ai voué ma vie à délivrer ce message », promet Tariq Ramadan.
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