Voile dans le sport en France : une interdiction soutenue par l’exécutif mais controversée
– La proposition de loi visant à interdire le voile dans les compétitions sportives divise le gouvernement, l’opposition et la société civile.

Ile-de-France
AA / Paris / Ümit Dönmez
Le Gouvernement français a réaffirmé son soutien à la proposition de loi visant à interdire le port de signes religieux ostensibles lors des compétitions sportives. Une clarification apportée par la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, ce mercredi 19 mars 2025 sur France 2, après plusieurs semaines de tensions internes.
Cette loi, adoptée par le Sénat en février 2025, interdit le port de tout signe religieux lors des compétitions organisées par des fédérations délégataires de service public. À l'origine, cette initiative portée par Michel Savin (Les Républicains) avait divisé l’exécutif, certains ministres appelant à la prudence face aux risques de discrimination.
- Un gouvernement contraint à l'unité
Les divergences au sein du gouvernement ont éclaté au grand jour ces dernières semaines. Si des figures comme Gérald Darmanin (ministre de la Justice) et Bruno Retailleau (ministre de l’Intérieur) ont plaidé pour une interdiction stricte, dénonçant une "naïveté" sur la question, d’autres ministres comme Marie Barsacq (Sports) et Élisabeth Borne (Éducation nationale) se montraient plus réservées.
Darmanin, dans une déclaration au Parisien, a qualifié l'interdiction d’"évidente", rejetant toute "accommodation avec le communautarisme". Il a même laissé entendre qu’il pourrait démissionner en cas de recul du gouvernement : "On ne peut pas rester dans un gouvernement qui cède sur ces questions."
Face à ces tensions, François Bayrou (Premier ministre) a convoqué le 18 mars une réunion à Matignon pour harmoniser la position de l’exécutif. Selon des sources relayées par TF1 Info, il a exigé un alignement total sur le texte du Sénat pour éviter de nouvelles querelles internes.
Marie Barsacq, initialement réticente, a dû s’incliner : "Le gouvernement soutient la loi telle qu’elle a été votée par le Sénat", a confirmé son entourage après la réunion.
- Une opposition qui se fracture
L’adoption du texte au Sénat par 210 voix contre 81 a provoqué une polarisation au sein de l’opposition.
- Les Républicains (LR), par la voix de Michel Savin, défendent une interdiction nécessaire pour protéger la "neutralité" du sport. Pour lui, "les enceintes sportives sont le nouveau terrain de progression du communautarisme", et la loi est une réponse à une "exigence républicaine".
- Le Rassemblement national (RN) soutient l’interdiction mais critique l’"incohérence" gouvernementale, soulignant les tensions entre Darmanin, Barsacq et Borne.
- La gauche sénatoriale s’oppose vivement à la mesure, la jugeant "discriminatoire" et contraire à la loi de 1905 sur la laïcité. Patrick Kanner (PS) dénonce un texte qui "stigmatise une catégorie spécifique de sportives" et divise davantage la société.
Akli Mellouli, sénateur du Val-de-Marne, a qualifié cette loi de "xénophobe et raciste". Pour lui, elle vise "exclusivement les femmes musulmanes" sous prétexte de laïcité.
- Les instances internationales dénoncent une discrimination
L’interdiction du voile dans le sport en France a aussi provoqué des réactions internationales. Les Nations Unies, par le biais de trois rapporteurs spéciaux et du groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes, ont estimé que cette mesure était "disproportionnée et discriminatoire".
Dans un rapport publié en octobre 2024, ils ont critiqué la position française : "La neutralité et la laïcité ne sont pas des motifs légitimes pour restreindre les libertés fondamentales".
Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU avait déjà désapprouvé l’interdiction du voile pour les athlètes françaises aux JO de Paris 2024, rappelant que "personne ne devrait imposer à une femme ce qu’elle doit porter ou non".
- Un clivage générationnel et sociétal
L’opinion publique est divisée sur cette question. Un sondage publié par Le Figaro le 14 mars 2025 indique que 73% des Français soutiennent l’interdiction, mais que les 18-24 ans y sont majoritairement opposés. Ce clivage générationnel illustre une évolution des perceptions de la laïcité et de la diversité culturelle en France.
Par ailleurs, des réactions virulentes ont émergé sur les réseaux sociaux :
- Des militants laïcistes, comme @ninetjosette sur X, saluent "la fermeté du gouvernement" et appellent Marie Barsacq à démissionner si elle "ne partage pas cette ligne".
- À l’inverse, des activistes antiracistes, comme @F_Desouche, dénoncent une "instrumentalisation de la laïcité pour invisibiliser les musulmanes".
- Et maintenant ?
La proposition de loi doit encore être examinée à l’Assemblée nationale, où elle risque de provoquer de nouveaux débats houleux. L’adoption définitive du texte aurait des conséquences directes sur les sportives musulmanes voilées, qui ne pourraient plus participer à des compétitions officielles.
Alors que la France se prépare aux élections présidentielles de 2027, ce débat sur le voile dans le sport illustre une réaffirmation stricte de la laïcité, parfois au détriment des libertés individuelles. Un dilemme qui ne cesse de hanter le paysage politique français depuis plusieurs décennies.