Le spéléologue américain Mark Dickey raconte ses aventure et sa survie en Türkiye
- Au cours d'une interview accordée à Anadolu, Mark Dickey a raconté les instants difficiles au fond d'une grotte dans la province de Mersin
Istanbul
AA / Istanbul / Muhammed Enes Calli
Le séjour du spéléologue américain Mark Dickey en Türkiye a pris une autre tournure et duré plus longtemps que prévu.
Mark Dickey faisait partie d'un groupe de chercheurs qui s'est rendu dans la grotte de Morca, la troisième grotte la plus profonde de Türkiye, située dans la province de Mersin (sud).
Leur mission consistait à cartographier le système souterrain de la grotte, un labyrinthe de passages étroits et de tunnels verticaux plongeants, situé dans une zone isolée à quelque 2 200 mètres au-dessus du niveau de la mer dans les monts Taurus.
Mark Dickey se trouvait à environ 1 040 mètres dans la grotte le 3 septembre lorsqu'il est tombé gravement malade, souffrant d'une soudaine hémorragie gastro-intestinale.
Il s'en est suivi ce que les sauveteurs ont décrit depuis comme l'une des missions de sauvetage de grottes les plus difficiles jamais réalisées. Au moins 200 sauveteurs de plusieurs pays ont travaillé pendant des jours et ont finalement réussi à sortir Dickey peu après minuit le 11 septembre.
"Logiquement, je me suis dit que j'allais probablement mourir", a confié Mark Dickey à Anadolu lors d'une interview vidéo quelques heures avant sa sortie de l'hôpital.
Il avait perdu beaucoup de sang lorsque les premiers sauveteurs sont parvenus jusqu'à lui avec des médicaments et des poches de sang pour une transfusion. Il était alors trop fragile pour se déplacer seul, oscillant entre des accès de conscience.
"Je n'ai pas de mot pour décrire ce qui s'est passé... toute une série de symptômes m'ont frappé d'un seul coup. C'était une aventure assez folle. Perte de conscience, envie de vomir, d'aller aux toilettes, bouffées de chaleur, bouffées de froid, fatigue, léthargie. Toutes ces choses vous frappent simultanément", a-t-il ajouté.
L'expérience de Mark Dickey en tant que sauveteur et spéléologue s'est avérée cruciale pour sa survie. Il est formateur en sauvetage spéléologique depuis plus de dix ans et a une expérience dans les services d'incendie.
Il était conscient qu'il devait se déplacer et atteindre un membre de l'équipe, quelle que soit la gravité de la situation.
"Il faut prendre les bonnes mesures au bon moment. À ce moment-là, l'action nécessaire était de ne pas s'arrêter de bouger. Alors, peu importe que ce soit difficile ou non, j'ai fini de grimper jusqu'à Jessica", a-t-il dit, en faisant référence à sa fiancée et collègue de l'expédition, Jessica Van Ord.
C'est elle qui est ensuite sortie de la grotte pour alerter les autorités.
"J'ai commencé à lui dire ce que je ressentais, quels étaient les symptômes, et à partir de là, elle a pu prendre des mesures. Même si j'étais inconscient, elle aurait au moins une idée de ce qui se passait", a expliqué Mark Dickey.
- La peur de l'inconnu
Mark Dickey n'est pas étranger aux grottes et a relevé quelques défis au cours de sa carrière. En revanche, cette situation à Mersin est quelque chose qu'il n'avait jamais vécu ni même imaginé.
"Il s'agissait d'un problème médical totalement inconnu. Inconnu à 100 %. C'est ce qui rend le problème si effrayant en soi, a-t-il déclaré.
"Si vous tombez et vous cassez une jambe, vous savez que vous êtes tombé et que vous vous êtes cassé une jambe. Si une pierre vous tombe sur la tête, vous savez qu'une pierre vous est tombée dessus. Mais un problème médical interne que vous ne pouvez pas voir, c'est effrayant."
Alors que son potentiel vital était entamé, toute la formation et l'instinct de survie de Mark Dickey se sont mis en marche. Il savait qu'il n'y avait pas de place pour les émotions et que la pensée rationnelle était la clé de sa survie.
"Les émotions vous feront prendre de mauvaises décisions. C'était une logique très rationnelle. Quels sont mes symptômes ? Que se passe-t-il ? Quelles sont les décisions à prendre ? Quels sont les plans à mettre en place ? Ce sont les questions qu'il faut se poser à l'instant", a-t-il poursuivi.
Au fil du temps, il devenait de plus en plus difficile de parler, confie Mark Dickey.
"J'avais du mal à prendre mon pouls au poignet. J'étais à deux doigts de tomber en état de choc. Mentalement, je le savais et je maximisais mes chances de réussite. Mais logiquement, je me disais que j'allais probablement mourir", raconte-t-il.
Le spéléologue de 41 ans est resté coincé pendant près de 10 jours, alors que les équipes de secours cherchaient un moyen de le ramener à la surface.
Les équipes de secours lui ont fait parvenir des médicaments et d'autres produits de première nécessité pendant cette période, mais il n'a pas pu se nourrir ni boire pendant tout ce temps.
"Je recevais les médicaments et l'aide médicale... chaque jour qui passait, je ne mangeais pas. Je ne buvais pas. J'ai donc passé dix jours consécutifs sans manger quoi que ce soit, a-t-il noté.
"Ils ont commencé à me fournir une alimentation par intraveineuse, mais ceci entraîne un déficit calorique très important. Mon corps a donc commencé à consommer sa propre graisse, ses propres muscles. Il a commencé à s'auto-consommer pour générer de l'énergie... En plus de cela, mon estomac était en danger à tout moment... Il fallait donc être très, très prudent... Il ne fallait pas qu'il se rompe."
- "La réaction prompte du gouvernement turc m'a sauvé la vie"
Selon Mark Dickey, il est clair qu'il doit sa vie aux autorités et aux volontaires courageux qui se sont mis en danger pour lui.
"C'était une sensation extraordinaire lorsque j'ai été sorti. Il y avait tous ces gens qui m'attendaient, et je connaissais beaucoup d'entre eux, a-t-il dit.
"Un grand nombre de ces personnes étaient des amis. Une grande partie de ces personnes font partie de la famille des spéléologues... Tout au long de l'opération de sauvetage, c'est la famille qui m'a sauvé. Cela m'a fait du bien."
Mark Dickey qualifie le rôle du gouvernement turc d'"extrêmement important".
"Lorsque Jessica est sortie de la grotte, a contacté le gouvernement turc et a dit que nous avions besoin de matériel médical, elle l'a obtenu et à temps pour me sauver la vie. "La réaction prompte du gouvernement turc est ce qui m'a sauvé la vie", a-t-il poursuivi.
En dépit du danger de mort, l'esprit d'aventure de Mark Dickey a été plus fort que jamais et il est resté impatient de retourner sur le terrain. Ce qui lui importe le plus pour l'instant, c'est que les gens comprennent qu'il s'agit d'un "problème médical fortuit".
"Cela n'est pas représentatif des dangers des grottes ou de la spéléologie. La spéléologie est en fait l'un des sports les plus sûrs qui soient", a-t-il souligné.
Et de conclure: "Des expéditions internationales sont organisées chaque année dans d'innombrables endroits. Les sauvetages sont exceptionnellement rares."
* Traduit de l'anglais par Alex Sinhan Bogmis
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