L'Algérie déplore l'"absence de coopération du gouvernement français" pour l'extradition de Abdesselam Bouchouareb
-L’Algérie affirme également qu'elle "s'est systématiquement heurtée à des tergiversations et à des atermoiements injustifiés et inexplicables de la partie française..." pour récupérer les biens transférés illégalement à l'étranger.

Algeria
AA / Alger / Aksil Ouali
Le gouvernement algérien a réagi, jeudi, à la décision de la justice française de rejeter les demandes d'extradition de l'ancien ministre de l’industrie, Abdesselam Bouchouareb, poursuivi en Algérie pour «corruption ».
« Le Gouvernement algérien a pris acte de la décision de la justice française d’opposer une fin de non-recevoir à la demande d’extradition d'Abdeslam Bouchouareb, condamné par la justice algérienne dans de multiples affaires de corruption, de malversation et de trafic d'influence causant au trésor algérien des pertes considérables », a indiqué un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères.
Alger a déploré, selon la même source, l'attitude du gouvernement français qui refuse toute coopération en matière d'entraide judiciaire.
«Sans préjudice du recours à d'autres voies de droit encore possibles, le Gouvernement algérien saisit cette occasion pour relever l'absence totale de coopération du Gouvernement
français en matière d'entraide judiciaire en dépit de l'existence de nombreux instruments juridiques internationaux et bilatéraux prévus à cette fin », a ajouté le communiqué.
La même source a révélé aussi, pour la première fois, les « tergiversations » de la partie française concernant 25 commissions rogatoires introduites afin de récupérer les biens transférés illégalement à l'étranger.
«Dans le cadre de ses efforts visant à récupérer toutes les richesses dont elle a été spoliée, l'Algérie s'est systématiquement heurtée et se heurte toujours à des tergiversations et à des atermoiements injustifiés et inexplicables de la partie française qui ont abouti à une absence totale de réponses à vingt-cinq commissions rogatoires introduites par l'Algérie ».
Et d'ajouter: «Cette attitude française se singularise par rapport à celles d'autres partenaires européens qui coopèrent de manière sincère, loyale et sans arrière-pensée avec les autorités algériennes sur ce dossier des biens mal acquis dont ils connaissent la sensibilité extrême pour l'Algérie ».
Mercredi, la chambre d’instruction de la cour d’appel d'Aix-en-Provence (France) a opposé un rejet définitif aux six demandes d'extradition de l'ancien ministre algérien (2014-2017).
Elle a évoqué, pour justifier cette décision, « les conséquences d’une gravité exceptionnelle » que pourrait avoir cette extradition en raison de « l’état de santé et de l’âge » de Bouchouareb.
Les magistrats qui ont examiné le dossier ont estimé, selon des médias français, que « cela porterait atteinte à l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme et à l’article 5 de la convention d’extradition franco-algérienne de 2019 ».
Cette chambre a ainsi suivi le réquisitoire du parquet, qui s’était opposé à cette demande d’extradition à l’audience du 5 mars courant.
« L’éloignement de M. Bouchouareb, gravement malade, ferait courir à celui-ci, si ce n’est un risque de vie, [un risque] de déclin rapide et irréversible de son état de santé », avait estimé l’avocat général, Raphaël Sanesi de Gentile.
Ce nouveau différend entre l’Algérie et la France vient s'ajouter aux contentieux historiques très profonds entre les deux pays. En plus de la question des archives et la restitution des biens d’Algériens confisqués, l’Algérie réclame aussi des réparations sur les essais nucléaires français en Algérie et l’indemnisation des victimes.
L’Algérie réclame aussi la reconnaissance par la France officielle des crimes coloniaux. Les relations entre les deux pays se sont dégradées davantage, depuis l’été 2024, sur fond de reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
En réaction, l’Algérie a retiré son ambassadeur à Paris et le président Tebboune a annulé un déplacement en France, prévu initialement en septembre 2024.
Plus récemment, l’affaire de l’emprisonnement de l’écrivain algéro-français, Boualem Sansal et le refoulement de migrants en situation irrégulière, dont l'influenceur algérien Doualemn, ont suscité la colère des autorités françaises qui menacent désormais de recourir au "rapport de force", selon les déclarations répétitives du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.
Côté algérien, le président Abdelmajid Tebboune a pointé «des déclarations hostiles tous les jours de politiques français », qualifiant le dialogue avec le président Macron de «perte de temps » et mettant en garde contre «une séparation qui deviendrait irréparable » .
«Nous avions beaucoup d'espoirs de dépasser le contentieux mémoriel (...) Mais, plus rien nʼavance si ce nʼest les relations commerciales. Le dialogue politique est quasiment interrompu », a-t-il déploré.
Le 25 février 2025, Paris a décidé de restreindre l’accès au territoire français de certains responsables algériens pour «défendre les intérêts des Français ».
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