Mali : le président Kéita refuse de dissoudre l’Assemblée nationale
Pour désamorcer la crise sociopolitique qui secoue actuellement le Mali (discours)

Mali
Pour désamorcer la crise politique qui secoue le Mali depuis début juin dernier, le président Ibrahim Boubacar Kéita a affirmé qu’il n’était pas favorable à la dissolution de l’Assemblée nationale réclamée par ses opposants.
Le président Keita s’exprimait lors d’une adresse à la nation, mercredi tard dans la soirée.
«La dissolution de l’Assemblée nationale est une demande portée à mon attention… Si la paix du Mali passe par là et que j’ai les moyens constitutionnels de le faire sans, plus tard, risquer de créer un vide constitutionnel dommageable pour tout le pays, je le ferai sans hésiter», a indiqué le chef de l’Etat malien.
Mais, s’est-il interrogé, «pour autant aurais-je été juste ? Il ne saurait y avoir de justice en privant de leurs sièges mérités tous ceux qui ont été élus sans contestation, et certains dès le premier tour, pour tenter de régler le problème…».
Le président du Mali a surtout mis l’accent sur sa conviction que «l’intérêt national réside dans un parlement immédiatement opérationnel pour mettre en œuvre l’Accord politique pour le rassemblement national».
Et il est convaincu que «les solutions trouvées par la nouvelle Cour constitutionnelle» vont permettre de résoudre la question de l’Assemblée nationale.
En effet, dans ce message à la nation, Ibrahim Boubacar Kéita a annoncé le «remembrement» de la Cour constitutionnelle et sa mise en fonction dans «les heures et les jours à venir».
«Reconnaissons-le, sans jeter la pierre à personne, l’arbitrage du dernier scrutin par la Cour sortante a posé problème et continue à poser problème», a-t-il reconnu en annonçant l’arrivée imminente dans son pays d’une mission d'appui, de conseil et d'orientation de présidents de Cours Constitutionnelles de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao).
«Elle sera d'un apport inestimable pour la résolution de la crise en cours», a déclaré Ibrahim Boubacar Kéita.
Le président malien a proposé aux forces vives d’adhérer à l’Accord politique de rassemblement national.
«Nous nous sommes mis d’accord, le chef du gouvernement et moi-même, de la nécessité de concevoir et de proposer un accord politique de rassemblement national qui s’attellera à la mise en œuvre diligente et mesurable des recommandations du Dialogue national inclusif», a déclaré le chef de l’Etat.
A noter que le pays est sans gouvernement depuis le 11 juin dernier.
Cet accord qui ira jusqu’en 2023 (année de la prochaine présidentielle), va reposer sur quatre les idées forces.
Primo, il doit permettre de «pacifier et sécuriser le pays dans toute son étendue» afin que les producteurs ruraux puissent s’adonner à leurs activités, que les échanges interrégionaux puissent redevenir fluides, que les communautés retrouvent «le légendaire vivre ensemble» qui a fait la réputation de ce pays...
Secundo, il doit permettre d’entreprendre «les réformes institutionnelles convenues», et ce, dans un délai de 12 mois, afin de mettre en «adéquation les demandes de notre peuple et les engagements du gouvernement».
L’objectif est aussi de doter le pays de textes appropriés en «capitalisant trente ans de vécu institutionnel».
Tertio, cet Accord politique de rassemblement national doit faciliter l’opérationnalisation des régions qui ne le sont pas encore.
«Ce travail a pris du retard, mais il ne saurait être continuellement en accuser sans remettre en cause un des fondements de notre stratégie de développement, à savoir la régionalisation par une décentralisation poussée voire irréversible…», a souligné le président Kéita.
Et, enfin, l’accord vise à veiller à «une saine distribution de la justice». «Nous savons que ce pays crie depuis longtemps sa soif de justice. Nous savons que la paix est précaire et volatile sans la justice. Et nous savons, hélas, que l’engouement des populations pour la justice expéditive des [pseudo-jihadistes] s’explique par le rejet de la justice d’Etat avec les tares qui lui sont connues dont la corruption et la durée des procédures. Cela devra donc recevoir les réponses appropriées», a indiqué le chef de l’Etat malien.
Dans son allocution, Ibrahim Boubacar Kéita a exhorté toutes les parties prenantes à l’action « gouvernementale», y compris l’opposition (l’opposition parlementaire et le M5-RFP), à parapher l’Accord politique pour le rassemblement national sans plus de délais.
Pour rappel, depuis début juin, la tension a monté au Mali. Le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) avait commencé par exiger le départ pur et simple du président Keita. Toutefois, après une série de consultations et de pourparlers, il a émis un mémorandum qui expire ce jeudi, demandant notamment la dissolution de l’Assemblée nationale, le changement des membres de la commission électorale et la mise en place d’une assemblée transitoire.
Le mouvement dirigé par l’imam Mahmoud Dicko menace, sinon, de renouer avec les manifestations de rue, ce vendredi 10 juillet.