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La perpétuité pour le meurtrier de la journaliste Kim Wall: Le submersible de l'apocalypse

Esma Ben Said  | 26.04.2018 - Mıse À Jour : 26.04.2018
La perpétuité pour le meurtrier de la journaliste Kim Wall: Le submersible de l'apocalypse

Tunisia

AA/Tunis/Slah Grichi

Ce qui s'est passé un certain 10 août 2017 dans la paisible baie de Koge entre le Danemark et la Suède, est un concentré du marquis de Sade, de Kafka et de Hitchcock.

Davantage par son stratagème, son décor et ses protagonistes que par ses éléments matériels, malgré l'horreur de leur déroulement -les tueurs en série et les crimes inqualifiables ne font pas exception-, l'affaire a connu un énorme retentissement qui a dépassé la Scandinavie et franchi les océans, accaparant l'attention de l'opinion publique mondiale, au point d'"appâter" des producteurs de Hollywood qui se sont empressés de chercher à en tirer le "bon" scénario. Une tâche aisée, puisque le principal acteur - auteur a pris sur lui de préparer et de ficeler tous les éléments d'un thriller d'horreur pas comme les autres.

Deux âmes seules entre deux eaux

Elle a 30 ans, elle correspond avec des publications comme le New York Times, The Guardian ou Libération. Elle s'appelle Kim Isabel Fredrika Wall. Son nom qui ne reflète qu'en partie sa nationalité suédoise, la prédestinait aux cursus supérieurs qu'elle allait suivre (relations internationales en Angleterre puis journalisme aux Etats Unis) et à la carrière qu'elle devait embrasser : reporter free-lance en presse écrite. Elle aimait sillonner les contrées proches et lointaines, à la recherche de sujets à défaut d'insolites peu visités, d'histoires humainement vraies à travers des portraits étonnants ou inattendus. Sa manière à elle de donner au maximum la parole aux incompris, aux faibles, aux...vulnérables.

C'est dans et avec cet esprit qu'elle partait à Copenhague pour embarquer le 10 août dernier sur le Nautilus, un petit sous-marin dont elle voulait interviewer l'inventeur danois qu'on disait énigmatique, intrigant, mi-fou mi-tête en l'air; en tout cas peu commun. Elle était loin d'imaginer que Peter Madsen, 47 ans, n'allait rien lui cacher de sa personnalité, de ses goûts et de ses tendances, après avoir cadenassé le sas et immergé sa machine infernale dans les eaux, devenues soudain troubles, du lac Koge.

Elle n'aurait peut être jamais eu l'occasion de monter à bord, si l'une des femmes auxquelles il avait déjà proposé de découvrir, en sa seule compagnie et par un hublot, le fond de la baie, avait accepté l'invitation. Car à l'évidence, Madsen réservait son sous-marin à des fins loin d'être saines.

Kim Wall ignorait que comme tous les pervers détraqués, il aimait narguer et formuler des réflexions allusives à ce qu'il comptait faire de son joujou, puisqu'on découvrira sur le tard le vrai double-sens de sa "plaisanterie" émise face aux bénévoles qui l'ont aidé à le faire flotter : "...La malédiction du Nautilus c'est moi... ne mettons pas davantage des vies en péril".

Elle ne savait pas non plus que celui dont elle voulait dépeindre le portrait était perçu par les compagnes qu'il a connues, comme quelqu'un de pervers sexuel, adepte des scénarios sadomasochistes et des simulacres d'étranglement, qu'il était féru des vidéos montrant des femmes empalées, pendues ou décapitées et qu'il avait programmé de ne passer à l'acte qu'en grande fanfare, entre deux eaux, dans l'objet de ses rêves et de des fantasmes.

Et c'est effectivement dans le sous-marin où il a préalablement préparé -entre autres- des sangles pour attacher sa future victime, un tournevis affûté de 50 centimètres et une scie à bois, qu'il se livrera à la totale.

Kim Wall sera violée, inhumainement torturée, connaîtra des sévices inimaginables dont quatorze blessures dans la zone des organes sexuels, avant que son bourreau ne la démembre en plusieurs morceaux, ne la décapite et ne la transborde en différents coins du lac.

Le rôle du submersible, en tant que décor à la boucherie, terminé, Peter Madsen le sabordera et se fera secourir en naufragé. Fin des images de l'horreur.

La journaliste qui était attendue le soir même en Suède, est portée disparue dès le 11 août. Madsen qui est naturellement convoqué; prétend qu'il l'a débarquée à Copenhague, avant l'"accident" du sous-marin. Avec la découverte du corps dès le 21 août puis le repêchage de la tête et des jambes par les plongeurs danois, moins de deux mois plus tard, sa version changera à chaque fois, mais invoquera inlassablement la mort par accident.

Confronté aux preuves irréfutables quant au démembrement et à la décapitation, il avancera le prétexte de la panique à laquelle il a cédé, en la voyant morte.

Mais même si l'état de décomposition avancée du cadavre ont empêché l'établissement des causes exactes du décès, les concordantes traces des sangles sur les bras de la victime, les blessures infligées, le viol, la décapitation, le disque dur de l'ordinateur révélateur de son côté pervers, les témoignages et la présence du tournevis et de la scie à bois à bord ont constitué des preuves et des présomptions plus que solides pour l'accusation, la juge et le jury qui ont conclu à l'homicide volontaire, aggravé de sévices révélés et de préméditation.

L'affaire, par son aspect unique pour la police danoise, a amené cette dernière, désormais soupçonneuse à l'égard de Peter Madsen, à aller jusqu'à réexaminer le dossier meurtre non résolu d'une touriste japonaise dont le corps a été découvert mutilé dans le port de Copenhague, en...1986. Madsen n'avait que 16 ans à l'époque, mais sait-on jamais ! En tout cas, aucun rapprochement n' a été établi.

Hier donc, le rideau est tombé sur l'affaire de Kim Wall par la condamnation à perpétuité de son meurtrier qui, jusqu'au bout, a invoqué la mort accidentelle et a d'ailleurs déclaré son intention de faire appel. A noter que la perpétuité au Danemark équivaut à à peu près 16 ans d'emprisonnement.

A parier que si ce crime avait été commis avant la promulgation de ce seuil, les législateurs auraient revu le maximum nettement à la hausse, d'autant que les psychiatres ont diagnostiqué Madsen comme un être pervers, responsable de ses actes, dangereux et apte à la récidive..

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