Qui est Félicien Kabuga, le « financier du génocide » du Rwanda ? (Portrait)
France
L'homme d'affaires rwandais, Félicien Kabuga, plus réputé par « financier du génocide » du Rwanda, s'est enfin fixé sur son sort. Il sera transféré devant la justice internationale, précisément devant le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI) en Tanzanie, après le rejet en cassation de son plaidoyer par la justice française qui a rendu son verdict mercredi.
Né en 1933, en cavale depuis 25 ans, Félicien Kabuga a été arrêté le 20 mai dernier en région parisienne, alors qu’il vivait sous une fausse identité. Il est poursuivi pour «génocide», «incitation directe et publique à commettre le génocide» et «crimes contre l’humanité ».
Intimement lié à l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, dont l’assassinat le 6 avril 1994 a déclenché le génocide des Tutsi, Félicien Kabuga est soupçonné d’avoir lourdement contribué au massacre sur plusieurs plans.
Il a en effet dirigé en tant que président, la Radio Télévision Libre des Mille collines (RTLM), principal organe de propagande chargé de diffuser tout au long de la journée, des appels au meurtre des Tutsi.
Les programmes oscillaient entre incitations au massacre de la minorité rwandaise et enchaînements musicaux.
Kabuga a, par ailleurs, longtemps contribué au financement du magazine Kangura, qui a activement diffusé des appels au meurtre, pointant notamment les Tutsis et les Hutus qui entretenaient des relations, tant professionnelles que personnelles, comme des traitres indignes d’une quelconque pitié.
Mais au delà de ces soutiens financiers et idéologiques à la diffusion d’idées mortifères, Félicien Kabuga est également soupçonné d’avoir directement armé des miliciens Hutu pour leur permettre d’aller massacrer leurs cibles.
Les Interahamwe, principale milice émanant directement du pouvoir de Juvénal Habyarimana est la principale faction impliquée dans le génocide rwandais dès son début.
Ses membres et son organisation ont pu bénéficier d’une aide logistique conséquente de la part de Félicien Kabuga qui leur a fourni, entre autre, plus de 25 tonnes de machettes chinoises commandées quelques mois avant le début des hostilités.
Et pour cause, l’homme d’affaires rwandais disposait de moyens financiers conséquents. À la source de sa fortune, l’exploitation de centaines d’hectares de plantation de thé et de farine. Ces revenus lui ont ensuite permis de bâtir le premier centre commercial du pays en plus de nombreuses luxueuses demeures qu’il possède dans la capitale.
- Le rôle de la France
Si Kabuga participait tant financièrement que matériellement aux opérations génocidaires des Hutus contre les Tutsis, il a pu bénéficier de l’aide de la France pour protéger et mettre sa famille à l’abri.
Dès le début du massacre, il envoie sa famille directement à l’ambassade de France à Kigali avant que l’armée française ne procède elle-même à son exfiltration du pays dès le 12 avril 1994.
L’épouse du financier étant Tutsi, il craignait d’évidentes représailles.
Pendant des années, la France est par ailleurs soupçonnée d’avoir dispensé des formations aux miliciens Hutu.
Malgré les dénégations des autorités, plusieurs témoignages d’anciens gendarmes du GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale) sont venues confirmer cette hypothèse.
- Quelle issue pour Félicien Kabuga?
Arrêté en mai dernier alors qu’il vivait sous une fausse identité à Asnières-sur-Seine en région parisienne, l’ancien homme d’affaires est depuis incarcéré au sein du quartier des personnalités de la prison de la Santé.
Malgré sa formelle opposition à un quelconque transfert en Afrique pour être confronté au Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux, la Cour de Cassation de Paris a donné son feu vert pour son transfert devant la justice internationale, ouvrant la voie à un procès d’envergure.
Pour le procureur du MTPI Serge Brammertz qui s’exprimait par voie de communiqué après l’arrestation du fugitif il s’agit « d’un rappel que ceux qui sont responsables de génocide peuvent être amenés à rendre des comptes, même 26 ans après leurs crimes ».
Pour rappel, 800 mille Tutsis ont été massacrés pendant le génocide rwandais, qui s’est étalé du 7 avril 1994 au 17 juillet de la même année. Seulement une partie des dépêches, que l'Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système de Diffusion interne (HAS), est diffusée sur le site de l'AA, de manière résumée. Contactez-nous s'il vous plaît pour vous abonner.