Sahel : Les trois plans antiterrorisme du deuxième semestre 2016 (éclairage)
Il s’agit de consolider le mandat de la Mission de l’ONU (MINUSMA) au Mali, de mettre en place une force régionale dans le pays sur le modèle de celle au Bassin du Lac Tchad, et enfin, de renforcer l’opération française Barkhane au Sahel

Tunis
AA/ Tunis/ Ouagadougou/ Safwene Grira/ Olympia de Maismont
Trois plans qui aideront à lutter contre le terrorisme au Sahel sont vivement recommandés, sinon attendus, par les parties prenantes dans la région, pendant le deuxième semestre de l’année 2016.
Il s’agit, tout d’abord, du renforcement du mandat de la Mission de l’ONU au Mali, la MINUSMA. La mise en place, ensuite, d’une force régionale au Mali, sur le modèle de celle au Bassin du Lac Tchad, et du renforcement, enfin, de l’opération française Barkhane au Sahel.
Ces mesures ont été recommandées et réitérées par le Président nigérien Mahamadou Issoufou, mardi soir à Paris, dans une déclaration commune avec le Président français, François Hollande. Des propos qui pourraient traduire également l'adhésion de la France. "Issoufou est un ami très proche de François Hollande et ce qu’il dit est décidé en concertation avec l’Elysée", glisse, dans une déclaration à Anadolu, l'écrivain et journaliste Antoine Glaser, fondateur du bimensuel "la Lettre du continent" et auteur de plusieurs ouvrages sur l'Afrique subsaharienne.
C’est vers la fin du mois de juin que le Conseil de Sécurité de l’ONU procédera au renouvellement du mandat de sa mission au Mali, déployée depuis juillet 2013.
Ce renouvellement devrait également être l’occasion d’une redéfinition des contours du mandat de la MINUSMA, confinée, jusque-là, dans la protection des civils, vers plus de renforcement. Tel est le sens d'une recommandation du Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki Moon, dans un rapport du 31 mai, qui sera soumis à partir du 16 juin au Conseil de sécurité.
"Il faudrait envisager de revoir le mandat de la Mission, en particulier pour confirmer qu’elle est autorisée à prendre toutes les mesures nécessaires, à l’intérieur de ses zones de déploiement et en fonction de ses moyens, afin de faire en sorte que ses zones d’opérations ne soient pas utilisées pour perpétrer des actes d’hostilité de quelque nature que ce soit", dit le rapport qui recommande également de passer à un effectif total autorisé de 13 289 soldats, contre 10 641 actuellement, et à 1 920 agents de police, contre 1 109 actuellement.
"La France tente depuis plusieurs mois de mobiliser ses partenaires européens pour soutenir les opérations de la MINUSMA au Mali afin de pouvoir se consacrer à la seule Opération Barkhane sur l’ensemble du Sahel. C’est ainsi que l’Allemagne a accepté d’engager 650 soldats dans les forces des Nations Unies au Mali. Mais la MINUSMA perd des [...] soldats chaque mois et si Barkhane n’intervient pas en tant que 'force de réaction rapide', la situation des Casques bleus au Mali ne va pas s’améliorer", analyse Glaser.
D'où la recommandation du Secrétaire général de l'ONU de rattacher, à la MINUSMA, la force d’intervention rapide de l’ONU qui est un contingent dont la mission est de "neutraliser" l’ennemi, au-delà de la protection des populations et du désarmement des combattants.
Le renforcement de Barkhane, pourrait-il consacrer, dès lors, une extension géographique pour répondre aux menaces de Boko Haram dans le Bassin du Lac ? Autrement dit, intégrer Boko Haram en tant que cible à part entière, au même titre que l'AQMI dans la bande Sahélo-saharienne ?
"Je ne crois pas que la France ait les moyens de s’engager plus concrètement dans la lutte contre Boko Haram sur l’ensemble du Bassin du Lac Tchad, au-delà des opérations de renseignement et de soutien logistique", estime Antoine Glaser. Néanmoins, "la France tente depuis plusieurs semaines de vendre du matériel militaire à Abudja et François Hollande était le seul président occidental présent au sommet du 15 mai au Nigéria consacré à la lutte contre Boko Haram".
"Au fond, intégrer Boko Haram comme cible, c'est ce que souhaite Issoufou, dont le pays demeure principalement confronté à la menace du groupe extrémiste, avant même celle d'AQMI", confie à Anadolu un attaché militaire occidental basé à Niamey, qui rappelle les 26 militaires nigériens tués dans une attaque de Boko Haram début juin. "Dans tous les cas, venir à bout d’AQMI au Mali, c’est également affaiblir Boko Haram, ne serait-ce que moralement" ajoute-t-il.
Quoiqu’ils relèvent «officiellement» de deux centrales terroristes «concurrentes» des liens ont été établis, depuis quelques années, entre Boko Haram, la succursale de Daech, et AQMI, rattachée à la maison mère al-Qaida.
"En octobre 2014, des troupes françaises ont arrêté au Niger un membre haut placé de al-Mourabitoune, une organisation djihadiste liée à AQMI, alors qu’il retournait au Nigéria pour donner une formation en communication à Boko Haram", peut-on lire dans un rapport de l’ONG International Crisis Group, citant un responsable nigérien de la sécurité.
Reste l'idée d'une coalition régionale pour venir à bout d'AQMI, et qui serait calquée sur la Force Multinationale Mixte (FMM) du Bassin du Lac Tchad. "La création d’une FMM au Mali est une façon détournée de mobiliser des partenaires régionaux face à la faiblesse de la MINUSMA", souligne Glaser. Une position que semble également exprimer l'alternative soigneusement choisie dans les propos de Mahamadou Issoufou, lors de sa conférence de presse à Paris. "Il nous faudra, me semble-t-il, ou bien mettre en place une force mixte multinationale comme le préconisent les pays du G5-Sahel ou alors renforcer le mandat de la MINUSMA"
Pour l'éditorialiste Hichem Ben Yaïche, qui dirige les publications New African et African Business, "les Africains veulent faire bouger les lignes parce que les menaces sont graves. Mais le passage à l'acte pose problème, en raison de problématiques politiques et financières".
Déjà, la FMM actuellement active au Bassin du Lac Tchad a connu beaucoup d'obstacles, depuis sa première mouture de 1998, comme opération régionale anti-banditisme qui avait "échoué sous le poids des mauvais antécédents et des soupçons qui pesaient entre le Nigéria et ses voisins", rappelle un rapport de ICG, de mai dernier: "Boko Haram sur la défensive ?"
Même aujourd'hui, la FMM se réduit à un instrument d'une "certaine" coordination opérationnelle transfrontalière, et aide à effacer un peu les frontières. Pour le reste, il n'y a pas eu d'intégration des forces, les contingents nationaux opèrent avant tout dans leur propre pays, selon la même source.
Commentant le risque d'une coordination délicate dans un pays qui verrait ainsi, des forces onusiennes (MINUSMA), régionale (FMM), françaises (Barkhane), allemandes et nationales (armée malienne-FAMA), Ben Yaïche émet des réserves quant à "la multiplication des instruments". "Certes, l'objectif commun demeure la sécurisation et le traitement des poches terroristes, mais la question majeure reste la prévention. C'est la question essentielle de toute architecture de paix et de sécurité".
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