
Bujumbura
AA/ Bujumbura/ Nzosaba Jean Bosco
Embourbée dans une crise politique et sécuritaire depuis avril dernier, date d’officialisation de la candidature du Président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat «anticonstitutionnel », le Burundi ne fait que glisser davantage sur la pente d'une probable faillite économique.
De l’avis du politologue et enseignant à l’université du Burundi, Juvénal Ndayegamiye, interrogé par Anadolu, les craintes d’un chaos généralisé se justifient d’une part par la détérioration continue de la situation politique et d’autre part par la réaction de la communauté internationale quant à l’ « entêtement » du régime en place.
«Le salut du pays est tributaire du dialogue inclusif recommandé par la communauté internationale. Autrement, il s’enlisera davantage dans la crise politique et sécuritaire pour finalement se retrouver dans une crise économique peu supportable pour un pays classé parmi les plus pauvres de la planète», analyse Ndayegamiye.
L’économie burundaise est la 152ème à l’échelle mondiale sur 189 pays classés, selon le rapport de la Banque Mondiale Doing Business 2015. Depuis plus d’une décennie, le taux de croissance est resté de l’ordre de 4% et est bien plus faible que celui enregistré dans les pays voisins de la CEA qui est de 6-7% en moyenne. Le franc burundais est constamment menacé par une inflation inquiétante de près de 20%, selon les chiffres de l’Institut des statistiques et d’études économique (ISTEEBU).
Le constat de l’analyste prend racine dans les signes avant-coureurs d’une grave crise financière. «Le Budget d’austérité 2016 estimé à 729,2 millions de dollars part avec un déficit de 82, 2 millions de dollars. Mais la situation ne fait qu’empirer, quand on apprend que l’Union européenne a décidé la suspension de ses aides, malgré que le budget du pays soit à 52% financé de l’extérieur », explique l’universitaire.
Pour leur part, les Etats-Unis ont retiré le pays de la liste des pays bénéficiant des avantages AGOA (African groth and opportunity act, ndlr), autorisant la levée des barrières douanières pour les produits d’exportation. Les principaux produits burundais exportés vers l’étranger sont le café (80% des recettes en devises) et le thé (16%).
D'autre part, les recettes de l’Office burundais des recettes « OBR » ont sensiblement baissé, en conséquence à l’instabilité qui secoue le pays depuis avril 2015. La création de nouvelles entreprises a ralenti. Selon les données de cet organisme, de janvier à août 2015, on n’a pu collecter qu’un peu plus de 240 millions de dollars alors que l'objectif en termes de recettes à collecter était de près de 462 millions de dollars, alerte encore le politologue.
« C’est dans cette ambiance générale d’insécurité et de marasme économique que le Burundi démarre l’année 2016. Un autre saut vers l’inconnu, pourrait-on dire. Le Burundi est à la croisée des chemins. Il peut sombrer où se redresser, selon le choix des autorités », conclut l’analyste, soulignant que les yeux restent braqués sur les négociations de Kampala initialement prévues le 28 décembre dernier, mais qui ont été reportées, en raison du refus du gouvernement de traiter avec une opposition qu’il considère « responsable du chaos »dans lequel sombre le pays.
Le Burundi a plongé dans la violence depuis l'annonce fin avril de la candidature du président Nkurunziza à un 3e mandat qui, selon l'opposition, la société civile et jusqu'à une partie de son propre camp, viole la Constitution et l'Accord d'Arusha ayant mis fin à la guerre civile (1993-2006).