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Daech en Afrique? une menace minime

"Il faut se méfier d’un excès de réification en accordant à l'EI des qualités structurelles qu’il n’a pas" (expert à Anadolu)

17.10.2014 - Mıse À Jour : 17.10.2014
Daech en Afrique? une menace minime

AA/Desk/Esma Ben Said

Si Daech, l'entité terroriste qui contrôle actuellement le Nord de la Syrie et le Nord et l'Ouest de l'Irak, représente une réalité concrète qui secoue la région du Moyen-Orient, son éventuelle extension au continent africain ne doit cependant pas être considéré comme une menace imminente, selon des experts interrogés par Anadolu.

En Afrique subsaharienne, l'effet "du Printemps arabe" en général et la guerre en Lybie, plus précisément, a provoqué une réémergence des groupes terroristes et la confiscation du Sahel par ces derniers qui ont fait de cette zone un bastion imprenable du terrorisme international.  

Ce sont principalement les cas d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) dont les racines se trouvent en Algérie mais qui sévit dans les parties mauritanienne, malienne et nigérienne du Sahel, du Mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO) au Nord-Mali, du groupe armé Boko Haram au Nigéria ou encore Ansar Eddine, l'un des principaux groupes armés qui a participé à la guerre du Mali dès 2012.

 Ces groupes, unis parfois, évoluant en solo souvent, reflètent le visage de l'islamisme radical, en Afrique de l'Ouest et " font de ce continent, dont la gouvernance est médiocre, une cible relativement facile",  fait observer Etienne Sissoko, Directeur du Centre d’Analyse Politique et Economique – CAPE Mali, pour qui « il existe une certaine influence de Daech sur le Sahel et le Maghreb », notamment "dans la forme".

Pour ce professeur d’Université, « les groupes armés qui pillulent en Afrique, sont capables aujourd’hui des plus terrifiantes horreurs humaines ».

 « Avant, les groupes armés visaient une annexion du territoire, mais à présent ils s’inspirent de Daech pour appliquer un nouveau mode opératoire », fait remarquer le spécialiste.

Ces groupes semblent en effet « séduits » et influencés par la manière dont Daech se comporte et opère en Irak et en Syrie, a-t-il expliqué.

Le 30 juin dernier, le porte-parole de l'organisation de « l’Etat Islamique », Abou Mohamed al-Adnani, avait proclamé dans une vidéo mise en ligne sur des sites proches de la Mouvance jihadiste, l’établissement en «Irak et au Levant» du « Califat Islamique ». 

Quelques jours plus tard, le groupe armé Boko Haram, en état d'insurrection depuis 2009, dans le Nord du Nigéria, et qui a fait près de 10 000 victimes en 5 ans, selon l’ONU et Amnesty International, a proclamé son soutien à l'EI, dans une vidéo datée de juillet dernier.

Un mois plus tard, le 24 août, le « chef » de Boko Haram, Abubakar Shekau, s'est, de nouveau, exprimé pour annoncer la formation d’un « Califat islamique », dans la région du Nord-est du Nigéria, d’après une vidéo obtenue par le site d’information indépendant « Sahara Reporters ».

Même si pour des raisons de compétition et de leadership, le chef de l’AQMI, Abdelmalek Droukdel, alias Abou Moussaab, a refusé, jusqu'à présent, de prêter allégeance à l’EI, de nombreux cadres de l’organisation implantée en Algérie ont décidé de rejoindre les rangs de l’EI au Moyen-Orient.

Une situation nouvelle qui fragilise les fondements d’Al-Qaida, en perte de vitesse sur le continent africain au profit de Daech, selon certains observateurs.

Mais si la montée en puissance de Daech a des conséquences "superficielles" sur la sphère djihadiste en Afrique de l’Ouest, l'idée d'une menace "imminente" doit être considérée avec prudence, avertit, pour sa part, Adib Bencherif, Chercheur associé à l'Observatoire sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord de la Chaire Raoul-Dandurand à Montréal.

« Il faut se méfier d’un excès de réification en accordant à Daech des qualités structurelles qu’il n’a pas », soutient, ainsi, l'expert, pour qui, ce serait « une erreur que d'imaginer l'EI comme une firme avec des filiales régionales aux relations et aux rôles clairement définis ».

Benchérif juge que « les allégeances de groupes, tels qu’Ansar Charia, MUJAO, ou encore du groupe « les Soldats du Califat » (Jund al-Khilafa) sont à considérer dans une gradation. »

Nouvellement constitué, Le groupe des « Soldats du Califat », est né de la défection d’Abdelmalek Gouri et de ses hommes de leur groupe originel, l’AQMI.

« A l’image de ce qui a été observé lors de l’émergence de groupes affiliés à Al-Qaïda, certaines allégeances peuvent se limiter au discours de soutien et donc au symbolique, s’insérant uniquement dans une stratégie de communication », a-t-il souligné, reconnaissant, néanmoins, que « quelques groupes peuvent intégrer le modus operandi de l’État Islamique. »

« L’exécution du français Hervé Gourdel en Kabylie par « les Soldats du Califat », en septembre dernier, rappelle les décapitations de l’EI. Néanmoins, il n’est pas certain que le groupe épouse à l’avenir ce mode opératoire, ou qu'il se limite du moins à celui-ci », analyse-t-il.

Pour Sissoko par contre, outre le mode opératoire, le véritable problème demeure « le manque de coordination et de moyens pour combattre les groupes armés », qui pourraient, dans un futur proche, s’octroyer une autre dimension et une ampleur grandissante dans la région.

« Au Nord-Mali par exemple, la MINUSMA, victime de nombreuses attaques ces dernières semaines perpétrées par les rebelles, s’est plainte à maintes reprises de ses conditions de travail, de son effectif réduit, et de son équipement en mauvais état, mais personne n'a rien fait », relève-t-il.

« Pire encore, le fait que le pouvoir de Bamako ait intégré d’anciens combattants rebelles au sein de son armée, prouve le véritable problème de gouvernance qui existe dans le pays » poursuit-il.

Pour le directeur de l’Observatoire, si l'Afrique de l'Ouest veut identifier une solution à la question sécuritaire, elle se doit d'abord de trouver une réponse en empruntant la voie de la bonne gouvernance.

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